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 Prenons le thé avec Donar (libre)

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Celym Frodon
Pèlerin sans Monde

Celym Frodon




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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeSam 24 Juil 2010 - 23:38

La peur, quel sentiment détestable. Celym regardait les fidèles qui se rassemblaient doucement dans le temple. De son promontoire, il pouvait tous les voire, ils semblaient êtres vêtus de leur simple appareil tant la honte et la soumission déformait leur visage ridicule. Comme avant chaque office, Celym sentit une montée de dégoût montée en lui. Il avait appris à se contrôler, à ne plus jeter sur eux sa bile corrosive.
Cependant après seulement quelques mois de fonction de prêtre, il s’était taillé une réputation sur mesure dans sa communauté mais aussi dans Raikaid’jan elle-même. Les habitants de la ville le craignaient presque autant que le père suprême.
En trois mots, Celym détruisait leur joie de vivre, leur estime de soi. D’une voix acerbe, il leur mettait sous le nez leurs péchés et leur indiscipline. Il faisait rougir les fidèles les plus assidus et faisait pleurer les autres.
Deux fois par jour, dans chaque temple de chacun des quartiers de Raikaid’jan, deux prêtres faisaient leur office. D’un jour à l’autre, le programme de ces « messes » pouvait être totalement différent. En effet, en plus des prêches des prêtres, il fallait compter les jugements des infidèles, les sacrifices et l’expression des doléances du peuple. Ainsi les offices pouvaient durer de deux heures ou durer jusqu’au suivant. Il était fortement recommandé de suivre les prêches pour se tenir au courant des nouvelles règles et changements que la ville subissait.

Une fois que tous les fidèles se furent assis, Celym prit la parole. Les mots coulaient de sa bouche d’un ton monocorde. Un frisson parcourut l’assemblée

« Chères caricatures, Donar vous souhaite la bienvenue dans sa maison. Ici, vous êtes à sa merci de ses yeux accusateurs. Contrairement à d’autres religions, vous n’êtes ni ses enfants, ni ses frères. Si vous êtes ici c’est en tant qu’esclaves. Donar voyant que ses terres fertiles restaient à l’abandon, et que les montagnes ne se transformaient pas à son image, il décida de créer un peuple fait de chair et de sang capable, comme les fourmis, de modifier son environnement. Comme vous le savez, le but de notre vie est d’ériger en l’honneur de notre Dieu des monuments, de rester le plus humble et le plus discret sur cette terre. Donar a créée nos corps débiles pour lui même et non pour que nous puissions en profiter les uns, les autres. Ainsi des sentiments comme l’amour, la passion auraient dû être proscrits. Cependant si Donar a eu une faiblesse c’est de laisser l’homme le choix. Cependant, dans chacune de vos actions, une question devrait surgir de vos esprits « Donar en serait-il satisfaits ? ».
La plupart d’entre vous, je le vois, semble offusqués par mes paroles. Je vous le dis, je ne remets pas en doute votre attachement sans faille à Donar, mais je vous demande juste de réflechir à cela. Car, le temps du changement a sonné et cela ne va pas à notre avantage. Les actes de rébellion se multiplient parfois dirigés par des étrangers exilés sur l’archipel après la fermeture des portes et même nos propres compatriotes.
Je vous conseille d’informer les prêtres de tout événement suspect. De notre côté, nous allons enquêter et essayer de convertir les jeunes récalcitrants. D’ici peu, des châtiments exemplaires seront infligés aux infidèles. J’espère qu’avec votre aide, l’état de grâce que nous avons connu à la fermeture des portes refera surface.»


Après son discours, Celym commença son office habituel fait de rites et protocoles particuliers en l’honneur de Donar. Après que tout fut bouclé, les fidèles sortirent comme un seul homme. Celym et le prêtre qui avait officier avec lui, Hemor se tenaient sur le parvis. Celui-ci qui était d’un naturel loquace se risqua :

« Je ne t’avais jamais entendu parler ainsi à nos fidèles. T’es tu fais tirer les bretelles par notre père suprême, Anuxum pour avoir mis autant d’eau dans ton vin ? »

Cylem toisa d’un air de dépit son collègue :

« Nous ne pourrons pas, seuls, éliminer ces bulles de résistance. Il faut que la population qui est derrière nous resserre l’étau autour de ceux qui ne le sont pas ou plus. C’est Anuxum lui-même qui m’a exposé un projet de répression. Et puis, cher Hemor, me crois tu si terrible ? J’organise dans le quartier Sobek’dan aujourd’hui une cession de discussion avec tous ceux qui le désirent. Tu le vois bien !! Je privilégie le dialogue et la justice de notre Dieu.»

À ces mots, Hemor poussa un sifflement d’admiration :

« Sobek’dan le quartier des étrangers et des utopistes lettrés ? Pauvre frère, tu vas t’en prendre plein les yeux et la tête. C’est par dizaines qu’ils vont vouloir démolir tes arguments. Je te souhaite bonne chance. Fais attention à toi, je n’ai pas envie de voir revenir hérétique. »

Cylem jeta un dernier regard de dépit à Hemor et entreprit de descendre la centaine de marches qui menaient au temple. Une pluie fine annonçant l’orage s’était doucement mis à tomber. Le jeune prêtre pouvait observait son reflet dans le marbre noir de cet escalier divin. Tout en marchant, il s’enorgueillait de partir à la conquête du quartier de Sobek’dan. Il avait toujours été réputé pour être difficile bien que la plupart des habitants aillent à toutes les cérémonies importantes et fassent toujours des offrandes magnifiques.

Celym avait réquisitionné une petite chambre qui se trouvait à la périphérie du quartier, il voulait véritablement comprendre ce qu’il se tramait là-bas. Son âme totalement dédié à Donar ne pouvait appréhender la subtilité du sentiment de liberté. Sa vie n’aurait certainement aucun sens sans son Dieu et c’était inimaginable qu’il en fut autrement pour les autres.

La pluie battait un peu plus fort, de grosses flaques se formaient sur les pavés et Celym se mouvait dans un bruit de sussions fort désagréable. Le jeune homme avait hâte de gagner son logis, il pourrait enfiler des vêtements un peu moins austère que son habit de prêche. Il mit un pantalon de lin blanc et une chemise noire du même tissu. A son cou pendait le symbole de Donar, un éclair en or massif. Il se sentait un peu angoissé à l’idée de découvrir les personnages étranges qui peuplaient ce quartier. Il savait qu’il ne lui arriverait rien de mal car aussitôt la disparition du prêtre annoncé, la communauté s’empresserait de brûler ces hérétiques, de détruire leur maison et de répandre du sel sur ce dernier îlot de résistance.

Le jeune prêtre marchait doucement vers le lien de rendez-vous. Il mettait ses idées en place. Il avait déjà pensé à toutes les questions qui lui étaient susceptibles d’être posées mais tout en le redoutant terriblement, il espérait être surpris. Il voulait prouver son éloquence, sa culture. Cylem était un grand amateur de challenge. Le fait de les remporter ravivait son ego qui ne souffrait déjà aucunement de nanisme. Les protagonistes de cette réunion pouvaient répondre anonymement, ainsi ils pouvaient être sûrs qu’aucune représailles ne serait dirigée contre eux ou leur famille au petit matin. Ils avaient même le choix de se masquer le visage s’ils le désiraient.

Celym arriva aux premières maisons qui constituaient le quartier. Autour de celui-ci se dégageait une aura particulière que l’on ne retrouvait dans aucun coin de la ville. Sobek’dan était un tout petit quartier à l’extrême sud de Raïkaïd’jan.
Les maisons semblaient êtres construits à la va-vite. Chacune était à l’image de leur propriétaire. Pour les habitants de la foudre, exilés volontairement ou involontairement dans ce quartier, ils possédaient des sortes de maisons en pierre enduites à la chaux. Elles se détachaient des autres par leur couleur blanche virginale parmi le foutoir de toutes les cultures. Ce quartier était le plus pauvre de la ville, il était écrasé sous les taxes mais c’était le prix de la liberté.

Dans une partie de ce quartier sali par des loques, certaines maisons magnifiques imposaient le respect. En effet, avant la fermeture des portes, tous les fortunés contrebandiers venaient se réfugier dans cette partie de la ville qui n’étaient pas, ou peu soumises aux règles de Donar. Après la fermeture des portes, le quartier avait sombré dans la pauvreté car sans le commerce avec l’extérieur, les trafiquants n’avaient plus moyen d’écouler leurs marchandises. Cependant quelques anciens trafiquants vivaient encore de leur richesse amassée, il n’y a finalement pas si longtemps.

Celym arriva dans l’humble demeure qu’une habitante du quartier avait proposé de prêter. Si personne ne s’était dévoué, la communauté aurait réquisitionné une des plus grande demeure car la mission de Celym était d’intérêt public mais parfois il fallait s’accommoder de la bonne volonté de certaines personnes.

La jeune femme qui lui ouvrit sourit de façon excessive. C’était certainement une exilée de force. Celym soupira, soit c’était une descendante d’une des vieille famille de la noblesse soit c’était une de celle qui avait commis un grave péché envers Donar. Le dernier cas serait le plus difficile à gérer, Celym n’avait cure des soumis et des flatteurs.
C’est alors qu’elle ouvrit la bouche :

« Cher Celym, nous attendions votre visite avec impatience ma maîtresse et moi. J’ai tout préparé pour que vous soyez au mieux pendant cette heure bénie où vous, noble élu de Donar, nous a été envoyé. Je vais vous montrer où vous pouvez recevoir les autres en paix.»

Celym sourit poliment et la suivit à travers un couloir étroit qui s’ouvrait sur une grande pièce. Au centre, trônait une table immense en bois massif, une quinzaine de chaises étaient réparties tout autour. Celym espéra tout bas que bientôt, toutes les chaises seraient occupés.
Le jeune homme se tourna vers la servante du lieu :

« Que Donar vous bénisse chère demoiselle, ce lieu est à la hauteur de la mission que m’a confié notre Dieu. Votre maîtresse va t’elle se joindre à nous pour l’assemblée ? »

La domestique ouvrit de grands yeux effarés

« Oui, ma maîtresse veut participer à tout ceci, mais moi je ne veux pas offenser Donar, jamais !! Vous savez, j’ai fait bien des erreurs dans ma jeunesse, je comprends ma punition. Mais aujourd’hui je prie Donar chaque jour et je me rends…… »

Un bruit de pas interrompit la jeune femme au grand bonheur de Celym qui commençait déjà à avoir les oreilles qui saignaient. Une femme, pas plus âgée que sa domestique, se montra par la grande porte. Elle avait un air dédaigneux et hautain. Elle salua le jeune prêtre d’un grognement sourd. Celym avait rarement eu l’occasion d’observer ce genre d’attitude envers lui et cela l’amusa l’espace d’une demi seconde.

« Que Donar vous bénisse vous et votre maison. En son nom, je vous remercie de me laisser accueillir tous ceux qui doutent encore de leur foi en notre maître absolu. J’espère que ce lieu servira d’éliminer les pensées impures. »

La maîtresse de maison ne répondait toujours pas. Elle toisait toujours le jeune prêtre d’un regard acerbe et dégoûté. Cylem évitait de la regarder, si c’était une tactique d’intimidation, cela ne marchait pas. Il avait l’habitude de parler tout seul lors de son prêche. Qu’il le fasse devant deux cent ou une personne cela ne changeait guère.

La servante tordait un chiffon dans ses mains. Elle regardait d’un œil appeuré sa maîtresse, mais elle répondit pourtant à sa place.

« En effet, le bouche à oreille à bien marcher. Il devrait venir de nombreux amis à madame et même des personnes étrangères au quartier. Comme quoi Seigneur, vous pourrez voir que nous ne sommes pas les seuls. »

Pas les seuls ? Celym leva un sourcil d’intérêt, pusse t’il être possible que d’autres bulles d’hérétiques se soient implantés dans la ville ? La ville qui était d’ailleurs totalement sous contrôle de la communauté à part ce coin reculé et pauvre.
Mais avant qu’il ne puisse rien dire, on toqua à la porte. Cinq jeunes personnes entrèrent. Ils semblaient tous intimider de se retrouver en présence d’un prêtre. Ce dernier loin de perdre sa froideur légendaire leur lança un « Donar est grand ! » qui les pétrifia d’autant plus. En les voyant ainsi, Celym pensa que sa mission serait un plus aisée à réaliser qu’il le pensait au départ.

D’autres personnes entrèrent peu de temps après, certains avaient l’air plus téméraires que les premiers arrivants. La plupart avaient les caractéristiques des habitants de l’archipel cependant certains faciès montraient bien que même des étrangers s’étaient déplacés.

Quand tout le beau monde attendu fut arrivé, ils s’installèrent autour de la grande table. Au départ, Celym ne parlait pas. Il se trouvait à un bout de la table et ils les laissaient parler. Certains étaient des amis, des proches, d’autres ne se connaissaient pas et faisaient connaissance. Celym voulait qu’il soit tous les plus détendus et les plus calmes possibles pour commencer. Un silence gênant ne pourrait rien apporter de bon.
Au bon d’une vingtaine de minutes, les rires commencèrent à fuser, les accolades amicales et les plaintes du quotidien aussi. Ce fut en cet instant précis que Celym se décida à prendre la parole.

« Que Donar veille sur cette soirée puisque c’est de lui dont il sera question. Vous vous en doutez bien, votre quartier n’a pas été choisi au hasard. Il regroupe la plus forte population d’indigents, d’hérétiques. Aujourd’hui, je ne suis pas là pour vous juger mais pour discuter avec vous. Je vois que dans cette assemblée, nous avons même des étrangers à notre monde. Je comprends que ces derniers ne soient pas réceptifs à notre tradition et à notre Dieu mais rien que le fait de votre présence ici montre votre désir de connaissance et pourquoi pas, d’intégration. »

Celym se tut quelques instants, son auditoire semblait à son écoute. Celym pensait ainsi avoir toucher juste.

« Nous allons ainsi commencer par parler d’un sujet qui nous concerne tous. Que pensez vous de l’amour, de l’amitié ? Ces sentiments qui relient les hommes, les uns aux autres, qui les rendent dépendants de la société dans laquelle ils vivent ? »

Sans attendre les autres la propriétaire de la maison répondit d’une voix claire :

« Je n’envie pas celui qui se vante de ne pas avoir de sentiments. Dans notre quotidien monotone et sans saveur, les seuls instants qui nous font nous sentir vivants ce sont les moments où l’on aime, où l’on déteste. Les moments où la passion nous dévore jusqu’à devenir aveugle et sourd. C’est bon de se sentir dépendant, d’avoir le cœur et l’âme occupée !!
Et puis soulignons, représentant de Donar, que c’est la « dépendance » comme vous dites, des hommes entre eux qui a fait qu’ils ont survécu depuis leur avènement. Et puis, pourquoi posez vous cette question, Donar ne punit pas encore l’amour et l’amitié à ce que je sache ?! »


Celym sourit, il avait eu la réponse qu’il attendait d’une hérétique. Leur prévisibilité le rassurait d’une certaine façon.

« Donar ne punira jamais l’acte d’amour, c’est grâce à lui que son peuple se perpétue et l’amitié, comme vous le dites si bien, a protégé les hommes de leur extermination. Cependant, dans ce que vous dites, quelque chose me chiffonne, me perturbe. Vous dites qu’avoir l’âme occupée est bon, que sans cela on ne se sent pas vivant. Je vous répondrai alors que pour ma part, mon âme restera à jamais occupé par l’image de Donar. La différence avec vos les sentiments qui relient les hommes ? On ne peut jamais être déçu par Donar car il ne donne rien et ne prend rien. Il est là, à nos côtés, témoin fidèle de nos forces et nos faiblesses. Il me semble avoir une double conscience, celle que m’a enseigné ma famille qui est basée sur les préceptes de la bienséance de la communauté humaine et celle que m’a inculqué Donar, qui touche l’univers entier, la vie et la mort réunies. »

En disant ces paroles, Celym occulta totalement le fait qu’il n’avait jamais été élevé que par des prêtres et que la seule famille qui lui restait, et bien il la détestait. De plus, ce discours était bien différent de celui qui l’avait prononcé plus tôt le matin. Comme quoi, un prêtre devait être capable de s’adapter à toutes le situations et à tous ses auditoires.

« Je sais que tout le monde autour de cette table est sceptique à Donar mais si un jour, vous avez envie d’ouvrir votre cœur à lui, vous le sentirez tout autour de vous. Car ce n’est pas un vieil homme qui veille sur nous comme j’ai pu le voir dans certains livres stupides enfants et même sur les fresques de certains temples. Non, Donar, nous ne pouvons pas le définir c’est une entité. Il est présent tout autour de nous, dans le bois de cette table, dans le gâteau que l’on mange. Il vit autour de nous et à travers nous. Moi, c’est cela qui me permet de me sentir vivant. »

Celym regarda l’assemblée qui lui faisait face, patientant, dehors on pouvait entendre l’orage qui grondait.


    2836 mots arrondis à 2850 ; 57 points d'XP .
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Kevin Regnard
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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeSam 31 Juil 2010 - 0:49

( c'est quand l'ordi' décide de faire un coup en douce & de s'éteindre tout seul à 4 700 mots qu'on trouve ça bien, les sauvegardes de secours de Word <3 )

Une journée comme une autre dans l'Archipel . Un énième jour de recherches, d'étude des moeurs et accomplissements des élémentaux de la Foudre . Réveillé en même temps que le soleil, il avait passé une bonne partie de sa matinée dans cette petite pièce que l'on lui louait sous l'appellation trompeuse d' " appartement " , à tripatouiller divers objets avec minutie . Cela faisait trois ans qu'il était coincé ici, et la bourse qu'il avait prise avec lui en vue de son voyage s'était depuis longtemps vidée, ne lui laissait pas d'autre choix que de se mettre au travail ... Par chance, dans sa branche ce n'était pas ça qui manquait, le travail . La capitale, et par extension le Monde de la Foudre en lui-même, semblait manquer cruellement d'artisans de son genre, ce qui servait très bien ses intérêts . Ainsi, il avait pu s'établir comme réparateur, et était devenu celui que l'on venait trouver pour resynchroniser les rouages d'une horloge, remonter une vieille montre, voire même réparer quelques bijoux . En un sens, tout cela lui avait rendu un fier service : il avait beaucoup apprit en ayant à s'occuper d'objets qui n'entraient habituellement pas dans son cercle d'habitués, et un peu de connaissance et de pratique supplémentaires étaient toujours bonnes à prendre . Tout ça pour dire qu'après avoir oeuvré tout le matin durant, faisant quelques pauses pour nourrir Cheshire, ou éloigner celui-ci de quelques objets précieux, il avait grand besoin de sortir et de s'aérer .

Aussi Regnard enfila-t-il une autre chemise blanche, un gilet grisâtre et un pantalon de tweed dans les mêmes teintes . Il laissa de côté ses haut-de-forme, et s'arma simplement de sa canne, et d'une montre à gousset accrochée à la poche frontale de sa veste . C'était sans doute ce qu'il avait de plus discret ... En ce moment, attirer l'attention n'était pas une bonne idée, même lorsque l'on avait rien à se reprocher . En apparence, bien qu'étant un peu bizarre, il avait l'air parfaitement intégré, toujours prêt à glisser le nom de Donar dans ses conversations de tous les jours, même les plus simples et courtes . À vrai dire, L'Horloger présentait si bien qu'on aurait pu le qualifier de " parfait adepte " en oubliant que sa présence était plus que rare lors des cultes donnés en l'honneur du dieu de l'Archipel . Ou, plus exactement ... Plutôt que de parler de rares visites, disons qu'il était assez effacé durant celle-ci . Contrairement à d'habitude, sa présence ne se remarquait pas vraiment . Il lui arrivait souvent de partir avant la fin, et d'assister ainsi à quelques parcelles des cérémonies au lieu de celles-ci dans leur ensemble . Au début, il avait été un " croyant " assez assidu ... Puis son intérêt pour la religion de la Foudre avait diminué, avait de s'évaporer complètement, rabaissant le culte de Donar à une formalité irritante . Il avait apprit à peu près tout ce qu'il y avait à savoir en la matière, alors pourquoi donc se fatiguerait-il à s'y intéresser, encore ? Malheureusement, les prêtres ne l'entendraient certainement pas de cette oreille, et c'était pour cette raison qu'il se devait de toujours faire acte de présence . C'était devenu plus ennuyeux qu'autre chose ... Mais il n'avait pas le choix, surtout en ce moment, avec tous ces durcissements au niveau de la législation . Regnard n'aimait pas se compliquer la vie, et détestait donc les ennuis . C'était entre autres pour cette raison qu'atterrir à Sobek'dan, le quartier des miséreux et hérétiques déclarés ne le motivait pas énormément ... Il lui fallait donc faire des efforts, consentir à quelques compromis ... Tant qu'il serait coincé ici, c'était certainement la seule chose à faire .

Aussitôt sorti dans la rue, il se dirigea vers le quartier le plus actif de la capitale, se fondant dans la foule sans trop de problèmes . Les seuls quelques imprévus qu'il pouvait parfois rencontrer tenaient au léger boitement qui affectait sa jambe gauche : cela le ralentissait beaucoup, et pouvait donc le gêner au milieu de foules particulièrement denses . À cause de ceci, il faisait de son mieux pour éviter les rues trop peuplées et populaires, ou les " heures de pointes " , où tout RaïKäiD'jan se trouvait sur le pavé . Aussi se déplaçait-il en empruntant des chemins dérobés, des allées plus petites et moins fréquentées que d'autres, afin d'éviter de rencontrer la cohue . Et jusqu'à aujourd'hui, cela avait relativement bien fonctionné . Cependant, tout cela avait un inconvénient majeur : à vouloir utiliser d'autres routes, et ainsi ignorer ce que logique et bon sens lui murmuraient à l'oreille, il mettait beaucoup plus de temps pour se rendre du point A au point B . Ainsi, aller de son logement de fortune au quartier en question lui prit une bonne heure, voire un peu plus ; enfin, non pas que cela le dérange beaucoup . Il avait tout son temps après tout . Il avait déjà passé trois ans au sein de l'Archipel, et était bien parti pour y rester encore de longues années ... Il était donc loin, très loin d'être pressé .

Il devait être une ou deux heures de l'après-midi lorsque Regnard arriva enfin à Sak'yegh Harust, le fameux quartier . Tout ici respirait le luxe et la vie facile : les étals des épiciers étaient bien fournis, et emplis de fruits et légumes très bien portants . Les poissons et autres produits de la mer semblaient dater du matin même, et aucune odeur nauséabonde ne se dégageait d'eux, contrairement à ceux que l'on pouvait trouver dans d'autres quartiers plus déshérités de la ville . À vrai dire, l'Horloger commençait même à penser que ses vêtements habituels seraient passés parfaitement inaperçus au milieu des individus qui peuplaient la rue ... C'était en se basant sur le citoyen type de RaïKaïD'jan qu'il avait composé sa tenue et le niveau d'aisance dégagé par celle-ci ... Mais le citoyen moyen n'était pas reflété par la faune de Sak'yegh Harust, et ici il avait la très désagréable impression de faire " cheap " , comparé à la foule qui circulait à ses côtés . Il allait même jusqu'à penser que, si ce n'avait été pour l'air distingué qu'il dégageait et sa canne de bonne facture aussi, il aurait même pu se faire dégager de la place par la garde, sous prétexte que " on accepte pas de mendiants ici " ... Bon, il exagérait sans doute un peu, d'accord . Mais tout de même ! Dire que c'était lui qui, d'ordinaire, donnait cette impression à son entourage ... Et voilà qu'il se retrouvait dans la peau d'un type de bas étage, du paysan moyen . Ce n'était certainement pas à son goût .

Écoutant l'appel insistant de son estomac, il décida de s'arrêter pour manger quelque chose dans une petite auberge au coin de la rue . Il y était déjà passé quelques fois lors de ses arrêts dans le quartier, et l'appréciait pour le bon rapport qualité/prix qu'elle entretenait . Dès son entrée, après avoir adressé un signe de tête à l'aubergiste - un homme assez enrobé à la peau tannée par le soleil - il s'adosser au comptoir . Une fois n'est pas coutume, il n'avait pas l'intention de s'attarder . Son entrée dans Sak'yegh Harust était à but strictement informatif : était l'un des endroits les plus populaires de la ville, si ce n'est LE plus populaire, les rumeurs allaient bon train, et il était donc assez facile de se tenir au courant des dernières nouveautés de la capitale simplement en arpentant les rues et en tendant l'oreille ... Se trouvant dans une taverne, cela irait sans doute deux fois plus vite .
« Puisse Donar veiller sur vot' repas , qu'est-ce que j'vous sert ? »
Tout en ravalant ce qui ressemblait trop à une exclamation surprise, Regnard tourna la tête vers l'aubergiste, qui se tenait à présent derrière son comptoir, juste devant son nez . Perdu dans ses pensées, il ne l'avait pas entendu arriver ... Et il n'aimait pas ça non plus . Se relâcher comme ça, ce n'était pas bon du tout .
« Je vous remercie . Disons une tartine aux fruits de mer et ... un chocolat je vous prie .
- Ça marche, j'vous apporte ça ! »


Regnard étouffa un soupir désappointé : il était fatigué . Le simple fait de se trouver dans l'Archipel de la Foudre le fatiguait . Ce Monde était trop ... dangereux . Il n'avait jamais mit les pieds dans celui des Ténèbres, mais savoir ce qu'on disait dessus lui suffisait largement : c'était un univers de pillards, d'assassins à chaque coin de rue et de voleurs à la tire . Marcher dans les rues de Yomi, la capitale, c'était devoir faire preuve d'une extrême vigilance à chaque instant, une vigilance qui n'était même parfois pas suffisante ... Et pourtant, l'Horloger était persuadé que la vie était plus facile dans la nation des Ténèbres que dans celle de la Foudre . Le danger présenté dans cette dernière était d'une nature très différente : il était plus ... sournois, plus imprévisible, et frappait donc plus fort puisque que vous ne vous attendiez absolument pas à ce qu'il vous touche . Ce qui était risqué dans l'Archipel, ce n'était pas de se balader dans ses rues, mais simplement de se trouver sur son sol . À chaque instant, Mort et Infortune pouvaient faire leur apparition et vous frapper par surprise, dans la rue, mais aussi chez vous, dans votre sommeil, chez vos amis ... À tout moment vous pouviez tomber, car les ennemis n'étaient pas les seuls qu'il fallait craindre . Il vous fallait également vous méfier de vos parents, vos amis, ou même vos propres enfants ... Car c'était le gouvernement, la classe dirigeante, l'église qui se retournait contre vous, et non une simple attaque sortie de l'ombre, dirigée par le hasard et la malchance . Être hérétique n'était pas le seul crime aux yeux de l'autorité ... La simple suspicion de votre appartenance à cette classe pourrie, ou le simple doute que vous pourriez formuler à l'égard du culte de leur Dieu, et tout s'arrêtait . Un simple pas de travers pouvait entraîner votre chute ... Et c'était pour cela qu'il fallait agir avec la plus grande prudence, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit . Vigilance constante comme disait l'autre ... Peut-être calculait-il trop, sans doute était-il un peu trop parano' ... Mais trois ans passés à surveiller ses moindres faits et gestes l'avaient en tout cas éreintés .

Un léger choc sur le bois dur du bar le ramena à la réalité . Devant lui se tenait une assiette blanchâtre contenant sa commande, accompagnée d'une tasse fumante de chocolat chaud . C'était quelque chose, ce fameux chocolat ... Assez étrange à première vue, et la couleur boue qu'il prenait pouvait vous dissuader d'y tremper vos lèvres à première vue, mais si jamais vous trouviez le courage d'en avaler une gorgée, vous trouverez cela délicieux . La découverte de ce nouvel aliment était toute récente . Pour tout dire, on en trouvait dans l'Archipel depuis un an et demi, pas plus . Et au vu de la porte close et donc de l'impossibilité de communiquer avec l'extérieur, c'était encore une exclusivité réservée aux fils de la Foudre ... ou aux étrangers paumés, comme lui . Avec en avoir avalé une lichée, ravi de son choix de déjeuner, Regnard se pencha sur son autre commande, la tartine . Encore une spécificité de l'Archipel, ou presque ... Les habitants de l'empire englouti de l'Eau avaient également pour habitude d'inclure des aliments divers et variés servis sur du pain dans leurs menus, mais le choix des aliments en question différait complètement entre les deux nations . Celle que contenait son assiette était surmontée de thon grillé, de quelques feuilles d'un légume quelconque, ainsi que d'un mélange de bouillie de tomate et de poisson . Assez varié et équilibré, ce qui était loin d'être le cas de celles que servaient les restaurants d'Atlantis ... Enfin bref . Regnard croqua donc dans son repas tout en prêtant une oreille attentive aux brouhaha qui alimentait la salle, tentant de discerner quelque chose d'intéressant . Et bien sûr, il ne tarda pas à trouver ce qu'il cherchait ...
« ... courageux, ça c'est sûr . C'est pas tout l'monde qu'irait prêcher là-bas ...
- J'préfèrerais m'couper une main plutôt qu'd'y mettre les pieds, pour sûr ! Ces gens de Sobek'dan, que des fous et des hérétiques, y sont pas normaux ... 'Parait même qu'ils sont contagieux !
- C'est bien vrai ! Le cousin du beau-frère d'une amie à ma soeur est tombé malade juste après être passé devant : ça peut pas être une coïncidence ... »


Tout cela acheva de titiller sa curiosité . Les sourcils froncés, Regnard détailla les deux hommes qui menaient la discussion, installés non loin de lui, au comptoir . En ce milieu d'après-midi, ils avaient déjà l'air bien émêchés, mais il doutait cependant que leurs paroles ne soient faites que d'illusions alimentées par la boisson ... Surtout en voyant le morceau de parchemin froissés et déchiré dans un coin - ce qui suggérait grandement qu'il avait été arraché d'un mur ou d'un panneau d'annonces - qui gisait sur le bar devant l'un des deux . Bien que ne payant pas de mine au premier abord, il portait bien le sceau des messages officiels provenant du clergé, des prêtres de Donar, et devait donc traiter de quelque chose d'important . En se rapprochant un peu, il put enfin arriver à lire ce qui était inscrit sur le-dit papier ;

    " PARTEZ À LA RENCONTRE DE DONAR

    Aujourd'hui , à 16h00 , est organisée une session de discussion autour de Dieu et de ses bénédictions , au beau milieu de SOBEK'DAN . Un prêtre compétant, fils de l'église de Donar, sera présent afin de répondre à toute question que les fidèles à la recherche de vérité seraient désireux de lui poser .

    Qu'il s'agisse d'explorer votre foi, de vous redécouvrir ou simplement d'en apprendre un peu plus sur le Puissant Marteau, nous espérons vous y retrouver nombreux . "

Tiens donc . Voilà que les prêtres de Donar organisaient une " session de discussion " ? Lavage de cerveau, campagne de recrutement, auraient sans doute été de plus justes expressions ... Et à Sobek'dan par dessus le marché ? LE Sobek'dan, quartier déshérité, peuplé d'hérétiques, de fous et d'individus cultivés, mais malheureusement trop grandes gueules pour garder leurs récriminations pour eux-mêmes ? Eh bien, voilà qui promettait . Et il aurait donné n'importe quoi pour voir ça ... N'importe quoi, sauf de l'argent, bien sûr . ... Mais, en y réfléchissant à deux fois, il pouvait voir ça, pas vrai ? Plongeant la main dans la poche avant de son gilet, l'Horloger en ressortit une montre à gousset dorée, qu'il consulta tout en la manipulant avec attention . Hochement de tête . Deux heures et demie . Il aurait sans doute à se presser un peu plus qu'à son habitude, mais le trajet était largement faisable . Et il était prêt à parier qu'avec une attraction pareil dans un quartier comme Sobek'dan, il n'aurait aucun mal à trouver le lieu de la réunion ...

Regnard paya donc son repas en déposant quelques pièces sur le comptoir, avant de se diriger vers la sortie, canne en main . Derrière lui, les deux poivrots ne semblaient pas vraiment vouloir se calmer, bien au contraire . Il eut l'impression d'entendre leurs tabourets bouger alors qu'il sortait mais n'y prêta pas grande attention, ayant d'autres choses en tête ... Il n'avait pas l'intention de participer activement au " débat " . Ce genre de choses, se mettre en avant en s'opposant à un prêtre dans une discussion sur la religion, c'était le meilleur moyen de se faire remarquer . En mal . Et très franchement, ça ne le tentait pas vraiment, et ne ferait que réduire à néant tous les efforts qu'il avait pu faire durant ces trois dernières années ... Ne pas être considéré d'emblée comme " hérétique " lorsque l'on venait d'un autre Monde, ça demandait beaucoup de travail . Et lui était allé encore plus loin : non content de ne pas être catalogué comme un étranger qui ne croyait pas en Donar, il était à vrai dire apprécié d'un nombre non négligeable d'habitants de l'Archipel . Sa réputation d'original inoffensif, de croyant modéré, d'individu intelligent mais lunatique, il avait mit des années à la bâtir, et n'avait aucune envie de la voir s'envoler de façon aussi stupide ... Mais, disons le franchement, Regnard s'ennuyait profondément ces derniers temps . Assez pour tenter quelque chose de stupide dans ce genre-là, assez pour prendre le risque de mettre les pieds là-bas . Cependant, il n'était pas envisageable qu'il lui arrive quoi que ce soit . Comme d'ordinaire, il resterait prudent, ne parlerait pas avant d'avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche, resterait en fond de salle à se délecter du débat sans y prendre part . Compte tenu des cerveaux rebelles qui peuplaient ce quartier, sa présence ne serait sans doute pas requise, de toutes manières . Et derrière lui, soudain, du bruit . Ce qu'il avait prit au départ pour la cohue du quartier riche ne s'effaça pas au fur et à mesure qu'il avançait, et sembla même s'accentuer alors qu'il sortait de Sak'yegh Harust pour entrer dans des rues adjacentes, en direction des parties plus pauvres de la ville . Puis le bruit explosa, et il distingua enfin des rires gras, alors qu'une pierre passait à quelques centimètres de son visage . Lentement, l'Horloger se retourna en clignant de l'oeil . Il n'était pas certain d'avoir bien vu avant qu'un second projectile ne passe au dessus de sa tête, là où se trouvait habituellement son chapeau . Son agresseur, peu importe son identité, ne savait apparemment pas viser ... Tant mieux . À quelques mètres derrière lui, juste en face à présent, se tenaient les deux hommes de l'auberge, le teint rouge et la démarche incertaine . Leurs pas avaient pourtant été assez sûrs pour les conduire jusqu'ici, devant lui . La tête légèrement penchée du côté gauche, Regnard haussa le sourcil droit, regardant les deux ivrognes d'un air interrogatif . Formuler la moindre question était bien inutile : ils l'auraient très certainement, ignorée, mal-entendue, ou répondu à côté plus ou moins intentionnellement . De plus, son expression était suffisamment parlante .
« Alors, on r'tourne à Sobek'dan ? Chez les hérétiques ?
- Ou alors ça va à la réunion chez les fous ? Donar est pas assez bien pour toi, c'est ça ? »


S'il y avait bien une chose à laquelle Regnard n'était pas habitué, c'était bien ça . Ou, plus exactement, il avait perdu l'habitude de se retrouver dans ce genre de situation, ses vêtements, sa prestance, et l'atmosphère noble qui se dégageait de lui suffisants en général à éloigner les importuns . Mais quand il s'habillait plus simplement afin de passer plus inaperçu, et que les importuns en question étaient complètement secs, cela devenait plus difficile ... Resserrant son emprise sur sa canne, il s'éclaircit donc la gorge .
« Quelque soit l'endroit où je puis me rendre, cela ne vous regarde pas, j'en ai peur, répondit-il en souriant, toujours . Toujours garder le sourire, c'était quelque chose d'important chez lui . Bien sûr, je ne vous parle pas d'un grand sourire niais, mais plutôt d'une sorte de rictus, ou de petit sourire en coin . De quoi faire savoir au reste du monde que vous aviez tout le sens de l'humour, toute la bonne humeur et la bonne volonté nécessaires à ne pas vous énerver le premier, voire ne pas vous énerver du tout, et ne cherchiez pas les ennuis . Mais malgré son beau sourire - Break est la sexitude incarnée t'façons ♥ - ses deux opposants ne semblaient pas vraiment d'humeur à le laisser tranquille . Pour tout dire, ce qu'ils étaient d'humeur à faire était là bien mystérieux, noyés dans l'alcool comme ils étaient . Pendant quelques secondes, ils se regardèrent, avant que l'un des deux ne se saisisse d'une autre pierre et ne la jette en direction de l'Horloger . Cette fois-ci, pour la première fois, le tir fit mouche, et un léger filet de sang apparut sur sa joue droite, là où le projectile avait touché la peau . Une mince trainée d'hémoglobine brillante, assortie à la couleur de ses yeux ... Son regard se durcit .

D'un coup sec, Regnard dégagea sa canne du sol, la pointant légèrement vers les deux hommes, elle formait ainsi un angle d'une trentaine de degrés avec l'horizontale . C'était une fort belle canne, en bois ciselé, assaisonné d'une fine peinture bleue à demi transparente, qui laissait respirer le matériaux tout en le vernissant . Mais ce qui était le plus remarquable à propos de la-dite canne, ce n'étaient pas les légers filets dorés qui en entouraient les ciselures, ou le pommeau extrêmement confortable, parfaitement adapté à la forme de sa paume . Non, ce qui était bien avec sa canne, c'était le fleuret qu'elle renfermait .

L'un des ivrognes s'avança alors, brandissant un autre caillou tranchant, aillant cette fois-ci l'intention de s'en servir comme arme blanche, semblait-il .
« T'as rien à faire dans l'Archipel, rent' chez toi ! beugla-t-il avant de tenter un coup dans la direction de l'Horloger .
Se qui suivit se passa assez vite, tellement vite que les deux hommes eurent bien du mal à comprendre ce qui s'était passé . Était-ce parce qu'ils étaient, soyons réalistes, complètement bourrés, ou à cause de leur manque d'acuité visuelle, l'histoire ne nous le dit pas, mais toujours est-il que quelques secondes plus tard, son attaquant fixait avec des yeux exorbités et injectés de sang les morceaux de pierre impeccablement bien tranchés qui gisaient dans sa main ensanglantée . La coupure n'était pas bien profonde, ce n'était là qu'une blessure de surface, destinée à intimider et prouver que les rochers n'étaient pas les seuls qui avaient à craindre sa lame . Mais cela suffit à avoir l'effet estompé, ie effrayer les deux poivrots, qui échangèrent un regard exempt de tout brouillard empli d'alcool, et fuirent sans demander leur reste . Tout en les regardant déguerpir, Regnard jeta un coup d'oeil dégoûté au bout de son fleuret recouvert d'un peu de sang, qu'il essuya contre son pantalon . Il n'aimait pas beaucoup se battre ... Souvent, en plus d'être affreusement salissant, cela n'était que de la violence gratuite . Mais par moment, quand rien d'autre ne fonctionnait, l'intimidation et la prise d'action étaient nécessaires ... Tout de même, ça ne lui plaisait pas . Une fine pluie commença à lui humidifier les épaules, se mêlant aux quelques gouttes de sang brillant qui s'étaient répandues sur le pavé . Tout en rangeant son arme dans son cercueil de bois, il passa inconsciemment la main sur son visage, là où de nombreuses mèches de cheveux dissimulaient son oeil gauche . Non, vraiment ... Ça ne lui plaisait pas du tout .

Et il était reparti . Après avoir vérifié que vraiment, ces deux imbéciles ne le suivaient plus, Regnard reprit sa route, maudissant intérieurement ce contre-temps qui l'avait retardé . Certes, il avait cependant encore de précieuses minutes pour arriver à bon port, mais tout de même ... Il n'aimait pas avoir à se presser . Et après une vingtaine de minutes de marche, il arriva enfin en vue de Sobek'dan . Il était temps . Alors qu'il rentrait dans ce fameux quartier, là où il n'avait encore jamais mit les pieds, il fut vraiment frappé par l'apparence des lieux . Contrairement à ce à quoi il s'était attendu, les habitations n'étaient pas particulièrement en mauvais état, avec cette apparence pitoyable qui caractérisait les endroits pauvres de la capitale . Non, c'était plus ... Elles étaient différentes . Différentes, tout comme ceux qui vivaient à l'intérieur . Différentes, tout comme lui ... Car malgré tous les efforts qu'il faisait pour que cela ne se remarque pas trop, ne dérange pas trop, il était un étranger, étranger sur un sol qui ne lui appartenait pas, et auquel jamais il n'appartiendrait vraiment .

Il n'eut pas beaucoup de mal à trouver la maison qui abritait la fameuse réunion . Le crachin qui arrosait RaïKaïD'jan s'était changé en une pluie plus lourde et fournie, et il fut donc ravi d'arriver à bon port avant d'être complètement trempé . Le seul avantage de cette douche non désirée fut de laver quelque peu les traces de sang qui maculaient son pantalon, souvenir désagréable de l'usage qu'il avait dû faire de sa lame . En rentrant dans la maison qui accueillait pour l'occasion cette " session de discussion " en l'honneur de Donar, il se trouva en présence de déjà huit autres personnes . Adressant à l'assemblée un petit signe de tête poli accompagné de son éternel sourire, Regnard alla donc s'installer lui aussi autour de la table ronde, et commença à détailler les autres " participants " . Tout d'abord, il y avait le prêtre ... Très reconnaissable, si ce n'était que pour la façon dont les autres le regardaient par moments, emplis de crainte ou de méprit, ou encore pour cet objet doré en forme d'éclair qu'il avait suspendu à son coup, le symbole du Dieu de la Foudre . Il semblait jeune . Beaucoup plus jeune que lui en tout cas, Regnard lui aurait facilement donné dix ans de moins . Et pourtant, il était déjà prêtre, au service du clergé, à laver le cerveau et à terroriser le peuple, comme on avait certainement déjà dû s'occuper de lui ... Vraiment, cette secte en l'honneur de Donar était effrayante .

Les autres occupants de la salle venaient de la rue . Il tenta de voir s'il trouvait d'autres étrangers, comme lui, mais ne réussit pas à se faire une idée sur la question . Cet homme, là-bas, lui semblait bien ressembler à l'un des tritons du Monde de l'Eau, mais au vu de la large cape accompagnée d'une capuche qu'il portait, il était bien difficile de se faire une idée ... Toujours est-il que finalement, après de longues minutes où les autres discutaient entre eux, laissant échapper par moments de longs éclats de rire, et alors qu'il commençait à se demander ce qu'il faisait là, le prêtre se décida à prendre la parole .

« Que Donar veille sur cette soirée puisque c’est de lui dont il sera question. Vous vous en doutez bien, votre quartier n’a pas été choisi au hasard. Il regroupe la plus forte population d’indigents, d’hérétiques. Aujourd’hui, je ne suis pas là pour vous juger mais pour discuter avec vous. Je vois que dans cette assemblée, nous avons même des étrangers à notre monde. Je comprends que ces derniers ne soient pas réceptifs à notre tradition et à notre Dieu mais rien que le fait de votre présence ici montre votre désir de connaissance et pourquoi pas, d’intégration. »

Si seulement les choses étaient aussi simples que cela ... De belles paroles ne changeraient rien à la situation . Tous les mensonges enrobés de guimauve qu'il pourrait proférer n'étaient que du vent, et l'Air n'était pas à sa place dans l'Archipel de la Foudre ... S'intégrer ne voulait dire accepter de laisser une entité supérieure à l'existence plus qu'hypothétique diriger votre vie ... Il s'agissait simplement de ne pas rire du besoin de la majorité de la population de croire en la-dite entité, et de faire avec leurs us et coutumes, en les utilisant aussi . Ce qu'il faisait sans faillir depuis des années, mais qui n'évitait pourtant pas des incidents comme celui de tout à l'heure, malheureusement .

« Nous allons ainsi commencer par parler d’un sujet qui nous concerne tous. Que pensez vous de l’amour, de l’amitié ? Ces sentiments qui relient les hommes, les uns aux autres, qui les rendent dépendants de la société dans laquelle ils vivent ? »

Les débats, bien que mettant en avant les esprits bien formés et les langues subtiles, étaient également une question de rapidité . Cela ne l'étonna donc qu'à moitié de voir une femme, celle-là qui se conduisait comme si le monde lui appartenait - on pouvait donc conjecturer qu'elle se trouvait chez elle - sauter sur la question .

« Je n’envie pas celui qui se vante de ne pas avoir de sentiments. Dans notre quotidien monotone et sans saveur, les seuls instants qui nous font nous sentir vivants ce sont les moments où l’on aime, où l’on déteste. Les moments où la passion nous dévore jusqu’à devenir aveugle et sourd. C’est bon de se sentir dépendant, d’avoir le cœur et l’âme occupée !!
Et puis soulignons, représentant de Donar, que c’est la « dépendance » comme vous dites, des hommes entre eux qui a fait qu’ils ont survécu depuis leur avènement. Et puis, pourquoi posez vous cette question, Donar ne punit pas encore l’amour et l’amitié à ce que je sache ?! »


Et c'était parti . Une brave petite partie de Ping-pong entre les deux protagoniste, un duel sans merci voyant s'affronter deux individus aux convictions totalement opposées . Regnard n'accordait pas beaucoup de mérite aux flammes de la passion . Il ne voyait pas le moindre inconvénient à ce qu'elle dévorent les autres, mais refusait qu'elles viennent s'alimenter chez lui ... Agir avec passion, c'était se laisser guider par ses sentiments et oublier sa raison, ses capacités de réflexion ... Perdre le contrôle, il détestait ça . Avoir atterrit dans un Monde pareil était déjà assez compliqué pour lui . Les rênes de son existence lui avaient d'or et déjà été dérobées, il était donc hors de question que l'on lui vole également celles de son corps .

« Donar ne punira jamais l’acte d’amour, c’est grâce à lui que son peuple se perpétue et l’amitié, comme vous le dites si bien, a protégé les hommes de leur extermination. Cependant, dans ce que vous dites, quelque chose me chiffonne, me perturbe. Vous dites qu’avoir l’âme occupée est bon, que sans cela on ne se sent pas vivant. Je vous répondrai alors que pour ma part, mon âme restera à jamais occupée par l’image de Donar. La différence avec vos les sentiments qui relient les hommes ? On ne peut jamais être déçu par Donar car il ne donne rien et ne prend rien. Il est là, à nos côtés, témoin fidèle de nos forces et nos faiblesses. Il me semble avoir une double conscience, celle que m’a enseigné ma famille qui est basée sur les préceptes de la bienséance de la communauté humaine et celle que m’a inculqué Donar, qui touche l’univers entier, la vie et la mort réunies. »

Un tissu de mensonges, il aurait dû s'y attendre . Donar n'avait cure de l'amour ou de l'amitié, tout comme de la majorité des sentiments qui pouvaient être développés par l'espèce humaine . Un seul comptait à ses yeux, l'adoration . Et encore fallait-il qu'elle lui soit adressée ... Tout en gardant une expression neutre, son sourire s'était quelque peu ternit, Regnard fit le tour de la salle du regard . Une bonne partie des participants semblait déjà terrorisée . Pour lui, c'était la présence même du prêtre qui les mettait dans cet état, ou alors la perspective que cette femme, en s'opposant à lui, puisse le mettre en colère ... Un homme, un peu plus loin, était enveloppé dans une multitude de tissu, empêchant à quiconque l'accès à son visage ou le moindre de ses traits . Pendant quelques instants, l'Horloger s'arrêta sur lui, étonné . Il le fut cependant bien plus lorsque, après son tour de salle, son oeil pourpre revint vers lui, se posant sur son voisin .

Lorsqu'il le vit, en un éclair, les paroles de son assaillant lui revinrent à l'esprit, aussi vives que s'il venait à peine de parler, la bouche emplie de venin et de feu . Rentre chez toi ... Il aurait aimé pouvoir agir de la sorte, traverser la Porte avec aisance et, en un clin d'oeil, retrouver son atelier de Windmill . Oui, il aurait aimé que cela soit possible, vraiment . Mais ce n'était pas le cas . Et chaque jour, il se disait à quel point ceux qui étaient coincés ici sans en être originaires n'avaient pas de chance . Il y avait tellement de Mondes plus accueillants, qui considéraient les étrangers comme une bénédiction, une source de connaissances exotiques et d'éventuels amis ... Mais non . Il avait fallu qu'il se retrouve ici . Mais s'il existait pire situation que celle dans laquelle il se trouvait, c'était bien celle des hérétiques originaires de l'Archipel ... Ils étaient chez eux . Ils auraient dû avoir toutes les raisons du monde d'être heureux . Et pourtant, le bonheur leur était à jamais inaccessible, simplement parce qu'ils seraient toujours persécutés à cause de leur croyances, ou plutôt dans le cas présent, de leur absence de croyance ... Juste à côté de lui, il y avait un couteau . La lame d'acier brillant qui reposait dans la main de son voisin, dissimulée sous la table n'était cependant pas dirigée vers le fils de l'Air . Elle se fondait avec la haine brûlante qui animait les prunelles de son possesseur, fixées sur le prêtre à l'autre bout de la table .


5612 mots arrondis à 5600 ;
112 points d'expérience .
Trop épique quoi, ohyeah 8D
LEVEL UP ! Niveau 15 .



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Celym Frodon
Pèlerin sans Monde

Celym Frodon




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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeMer 4 Aoû 2010 - 19:02

Le tonnerre grondait toujours à l’extérieur. La maîtresse de maison s’était empourprée de rage à force de parler encore et encore. À chaque fois, qu’elle prononçait une phrase, elle était contrée par le jeune prêtre. Cela commençait à la fatiguer. Cette discussion ne pouvait avoir de fin et allait tourner au pugilat si personne n’y mettait fin rapidement. C’est alors qu’une jeune fille leva une main fluette. Celym ne l’avait même pas regarder tant elle semblait faible et chétive. Par un signe de tête, il lui donna son approbation pour qu’elle prenne la parole

« Ne vous êtes pas rendus compte dans le quartier dans lequel vous êtes ? »

Autour de la table, personne ne bougeait. La servante s’afférait pour servir à tout le monde des boissons chaudes délicieuses, mais personne n’osait s’y attarder. C’était presque si les protagonistes ne retenaient pas leur respiration.
Celym comprit son erreur, il fallait toucher chacune des personnes ici présentes pour pouvoir ébranler leur âme. Pour qu’ils se libèrent de l’étau de peur qui labourait leur estomac et contraignait leur corde vocale. Il sentait la nervosité de chacun autour de lui.
Le prêtre était bien déçu, il pensait trouver les seules âmes un peu combatives de la ville. Malheureusement, il devrait compter sur autre chose pour se distraire. Les mots de Anuxum, le prêtre suprême résonnait encore dans sa tête ,« il faut connaître les faiblesses de la méduse pour pouvoir lui trancher la tête. » Celym se calla un peu plus contre le siège de son fauteuil. Il n’avait certainement à côté de lui que des illuminés indépendants, ne faisant partis d’aucun réseau de résistance. Le jeune prêtre soupira de dépit, ces paroles seraient bien vaines parmi ces anarchiques ridicules. Celym fut perturbé dans ses réflexions par le racclement d’une chaise contre le sol.
Un jeune homme de l’assemblée se leva pour prendre la parole. Son visage était écarlate de colère, il serrait ses poings contre ses hanches.

« Pourquoi poser des questions aussi futiles ? Vous savez très bien que personne ici ne croit en Donar ! Dans les temps anciens, il a été inventé pour rassurer les pauvres esprits étroits de la plèbe. Aujourd’hui, ses préceptes sont dépassés, nous ne devons pas dépendre d’une entité mais de nous mêmes ! Mais nous laissons pourrir notre potentiel dans les bras de métal de Donar. Je vous le dis quelle honte !! Notre peuple pourrait être un des plus respectés et estimés, mais, à la place, on nous traite de fanatiques, de personnes amorales et fourbes. Aucun des étrangers que je connaisse, et ceux ici présents pourront en attester, n’ont pu un jour réellement « s’intégrer » comme vous le dites si bien.
Les voyages à travers les mondes, nous a montré que l’autarcie n’était pas de mise. Que nous pouvions vivre sans Donar, sans sa poigne de fer et son regard inquisiteur. Notre société sera écrasée sans ménagement à l’ouverture des portes si nos mentalités ne changent pas.
C’est à moi de poser une question, non pas sur Donar, mais sur vous, les prêtres de Donar. N’est-ce pas pour conserver votre pouvoir que vous alimenter encore et encore la flamme de Donar ? Car je vous le dis, les plus beaux quartiers ne sont pas occupés par les notables de la ville, mais par les prêtres. Si vous croyez autant en la philosophie de Donar, ne devriez vous pas vivre dans une précarité complète et prêcher sans cesse pour Donar ? Après tout, toutes possessions devraient aller dans la foi en Donar et non en ses prêtres.»

Celym réfléchissait, les yeux dirigés vers le jeune homme. Il était d’une carrure assez imposante comme la plupart de la population de l’archipel. Sa peau dorée ne respirait pas la faim et la misère. De beaux vêtements confectionnés sur mesure habillaient son corps. Il venait certainement d’un des beaux quartiers de l’archipel. Un jeune homme rebelle qui échappait à la surveillance de ses parents pour se faufiler dans les assemblés anarchiques de Sobek’Dan, tard le soir. Une onde de mépris parcourut le jeune prêtre.

« Il faut vous rappeler, jeune homme, que les prêtres n’ont pas pour seule fonction de « prêcher ». Nous sommes la classe dirigeante, le peuple nous a donné les tâches juridiques et administratives à gérer. La plupart d’entre nous croulent sous les responsabilités. Il nous faut des locaux pour pouvoir s’occuper de tout. Bien sur que les prêtres sont dans des quartiers aisés car je vous signale que c’est là où se trouve le siège des affaires du pays. Cela, ce n’est pas nous qui l’avons décidé. Oui, car nous ne décidons rien, ce que je vais dire, vous n’allez pas le comprendre. Nous, les prêtres nous sommes ici pour parler au nom de Donar. Nous sommes ses élus, nous sommes le prolongement de son bras sur cette terre. Ainsi, notre vie toute entière est dévouée à son service. Certes, certains ont une famille, des enfants, un jardin, un chien. Mais leur vie est rythmée non pas par les repas du dimanche mais par la messe, les écrits divins. Quant aux voyages dans les autres mondes….. »

Celym fut coupé dans sa tirade par une autre homme qui se levait. Il était bien différent de celui qui s’était exprimé tout à l’heure. Ses habits n’étaient que des loques informes couleur sang. Son visage était bloqué dans un rictus de haine effrayant. Il avait l’allure d’un originaire de l’archipel, avec sa peau mate et sa musculature de forgeron. Sa main gauche semblait crisper sur quelque chose, mais de là où il était Celym ne pouvait distinguer de quoi il s’agissait. Quand l’homme se mit à parler, ce fut comme un torrent de haine et de laideur qui déferla sur l’ambiance déjà glaciale de l’assemblée :

« Je me présente, Akanek. Je n’ai pas besoin de rester dans l’anonymat. Comme ça vous pourrez jeter vos ordres de sbires minables. Je ne vous crains pas toi et ton Dieu immonde. Prêtre, tu m’as tout pris. Hier, ma femme m’aimait plus que tout. Aujourd’hui, elle m’a jeté dehors car je ne suivais pas assez les préceptes de Donar parce que je ratais certaines des cérémonies en son honneur. Toute votre communauté mérite la mort ! »

Et en prononçant ces dernières paroles, il se jeta sur le prêtre, renversant les tasses et coupelles des invités sur son passage. En un instant, Celym était debout et évitait de justesse un couteau de couteau porté vers son ventre. Le jeune prêtre s’éloigna un peu plus, il jaugea la situation. Les autres convives ne feraient aucun geste pour l’aider mais comme d’habitude il s’en sortirait seul. Akanek. semblait animé d’une rage animale. Une écume blanchâtre apparaissait aux coins de ses lèvres. Celym fut ébranlé un instant par la possibilité d’une transformation en animal sauvage. Un homme, il pouvait le maîtriser, un ours c’était autre chose.
C’est à ce moment que la servante arriva pour servir le gâteau aux amendes, sa spécialité. Quand elle vit la scène qui était entrain de se produire, les convives immobiles dans un coin de la pièce et un homme menaçant le prêtre, elle se mit à hurler d’une voix stridente.
Akanek se tourna vers la jeune femme, surpris. Celym saisit ce moment pour lui administrer un crochet dans le ventre. Le souffle court, l’homme tituba, plié en deux. Ses lèvres entre ouvertes semblaient rechercher l’air comme un poisson hors de l’eau. Sans difficulté, le jeune prêtre lui retira le couteau et lui administra un coup de genou dans les côtes qui le fit tomber à terre.
Cela aurait pu s’arrêter là, mais Celym sentait, que derrière lui une certaine animosité secouait les participants. S’ils voulaient voir du spectacle, ils allaient être servis. Le jeune prêtre s’accroupit au prêt de l’homme à terre et c’est presque avec douceur qui lui releva la tête. Son couteau était toujours à la main. Dans un mouvement rapide et précis, il lui trancha la gorge. La carotide avait été sectionnée et le sang giclait en même temps que les pulsations de son cœur faiblissant. Les femmes se mirent à hurler et à pleurer. Certains hommes poussaient des grognements plaintifs.
Avec un regard sans émotion, aucune, Celym regarda la maîtresse de maison. Celle-ci, était la plus hystérique, tendant frénétiquement le doigt vers la flaque de sang qui s’élargissait sans discontinuer. Le jeune prêtre arriva ainsi à la conclusion qu’elle craignait pour son tapis. Il plaça une main contre le coup de sa victime. Le flot de sang s’estompa peu à peu. Quand il retira sa main, il n’y avait presque plus de marques de l’attaque.
Cependant, l’homme restait toujours à terre et prenait une teinte étrange, il continuait à agoniser. L’épiderme et le derme nouvellement formés comprimaient l’hémorragie de la carotide sectionnée sans pouvoir réellement l’arrêter. Du cou jusqu’à la nuque, la peau prit une teinte bleuâtre puis violette. L’homme semblait souffrir le martyre, ses yeux fous exorbités regardaient de toutes parts comme un appel à l’aide. Au bout de quelques minutes seulement, le regard de l’homme s’éteint. Il était à présent noir. Du sang coagulé s’échappait encore un peu de ses oreilles et de son nez.
Celym regarda le cadavre et prononça distinctement « Puisse Donar te pardonner » Les autres participants ne bougeaient pas, pétrifiés.
Contrairement à ce qu’on aurait pu en penser, le jeune prêtre n’aimait pas tuer les hommes, les faire souffrir non plus. Au fil des années, l’acte de tuer était devenu presque mécanique. Il se souvint de la première fois qu’il avait tué un homme. Tous les disciples devaient subir ce genre d’épreuve. Dans ces moments-là, on remettait en doute leur intégrité et leur servitude envers Donar. La plupart des « cobayes » étaient des clochards récupérés dans les quartiers les plus malfamés de la ville.
Celym se souvint, un homme était attaché contre un poteau de bois. Sa tête tombait sur le côté, un filet de bave coulait de sa bouche. On avait mis un poignard dans la main de Celym, il s’était approché. Tout son corps se révoltait contre cet acte intolérable. Pourtant, il l’avait fait. Il avait planté son couteau dans la chair maigre de l’homme sui se tenait devant lui. Avant de mourir, il l’avait regardé. Ce regard, il ne l’oublierait jamais. Tout se mélangeait dans un tourbillon terrible, la haine, la surprise, la déception, la panique.
À l’époque, Celym n’était encore qu’un gamin. Du haut de ses seize comment pouvait-il comprendre qu’un tel geste ne devait se faire en aucun nom, en aucune raison.

Celym se tourna vers les autres, stoïque. Aucun ne bougeait. Celym soupira, quand on commençait une besogne il fallait la terminer.
Il saisit à bras le corps l’être sans vie qui jonchait à ses pieds et l’amena dehors. La pluie tombait à torrent, les éclairs zébraient le ciel et le bruit du tonnerre assourdissant raisonnait de toute part.
Celym portait toujours sa lourde charge contre lui. Une pelle traînait dans le jardin. Sous la pluie, il entreprit de creuser un tombeau. De toute façon, après ce qu’il s’était passé il n’aurait jamais le droit au cimetière de Donar.
Il se mit à bécher laborieusement la terre rendue dure et lourde par la pluie qui s’abattait, toujours incessante. Aujourd’hui, alors que Celym n’avait même plus conscience de ses actes, il repensa à son frère Davon. Avant qu’il ne parte sur son coup de folie, il avait tenté de lui parler des pratiques étranges que les prêtres réalisaient sur les disciples et habitants de l’archipel. Cela avait anéanti Davon, il pensait que la mission des prêtres consistait en un prêche pacifique et visionnaire des hérétiques. Quel imbécile. Comme si la force n’était nécessaire pour maintenir l’unité du peuple. Cela le répugnait certes mais il fallait bien anéantir les êtres qui s’opposait à leur pouvoir.
C’est détrempé qu’il franchit à nouveau le pas de la porte. La servante pleurait toujours. Les autres semblaient avoir tenu une sorte de conciliabule et c’est avec un visage austère qu’ils l’accueillirent. Peut-être trouvaient ils que cette mort douloureuse était un peu trop brutale et violente. Peut-être trouvaient ils comme Akanek qu’un prêtre de moins sur l’archipel ne serait pas du luxe. Celym prit alors la parole pour éclaircir les esprits toujours vivants et présents :

« Cet homme était un fou, il a voulu me tuer pour un honneur qui lui semblait bafoué. Étant le symbole de Donar, il a voulu s’attaquer à moi par vengeance ridicule. S’il avait réussi, vous seriez tous morts demain matin. Ma disparition aurait été suivie de répressions très violentes contre Sobek’dan. Les femmes, les enfants, ils auraient tous été tués. Vous pensez certainement que ma vie ne vaut pas celle de centaines d’autres peut être, mais on n’essaie pas de tuer un symbole. Ne l’oubliez pas. Puisque vous êtes tant attaché aux autres, n’agissez pas en égoïste.»

    2144 mots arrondis à 2150 ;
    43 points d'expérience .
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Kevin Regnard
Pèlerin sans Monde

Kevin Regnard




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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeMer 11 Aoû 2010 - 20:36

    Lentement, il détourna les yeux de l'arme, veillant à ne pas attirer l'attention de son propriétaire par un quelconque geste brusque ou semblant inapproprié . Le regard désormais dirigé de nouveau vers le prêtre, il ne se priva cependant pas pour inspecter prudemment son voisin du coin de l'oeil, sa pupille rougeâtre effectuant de bref arrêts à sa gauche . C'était inquiétant . Cet homme l'inquiétait grandement ... Certes, au vu de la façon dont il regardait le prêcheur - si on pouvait tuer avec les yeux, ce dernier serait sans doute déjà mort - le reste de l'assemblée n'avait sans doute rien à craindre ... Mais si son voisin avait réellement l'intention de passer à l'attaque, il ne pouvait que craindre quelques éclaboussures . Ce n'était pas bon . Regnard avait quelques façons de se protéger - même si la mise en place de ceux-ci était plus fatiguante qu'autre chose - mais ce n'était sans doute pas le cas des autres individus présents dans la salle . Si l'on faisait exception du couteau qui reposait dans sa paume, l'homme en lui-même était quand même assez louche, si ce n'est effrayant . La peau mate, tannée par des heures d'exposition au soleil de l'Archipel, les cheveux décolorés par cette même luminosité stridente qui caractérisait la Foudre, il n'avait rien d'un étranger . On aurait put par contre le qualifier de clochard ou autre, au vu des vêtements miteux qu'il portait, des loques rougeâtres rapiécées et déchirées de toutes part . Une tunique aux teintes sanguinolentes pour un homme qui portait en lui la volonté de faire couler le sang, quoi de plus logique, bien qu'un peu glauque ...

    Ce n'était pas qu'un peu d'agitation au milieu de brave débat l'aurait énormément dérangé . Bien au contraire : depuis tout à l'heure, il faisait de son mieux pour résister à son envie grandissante de participer lui aussi, d'entrée dans cette mêlée d'idées et d'opinions contraires . Il était venu ici pour regarder, le simple fait de parler n'avait jamais fait partie de ses prévisions . Parler, se dresser face au prêtre, émettre une seule opinion un tant soit peu différente des siennes, c'était se graver dans sa mémoire au fer rouge comme un étranger doublé d'un probable hérétique . Tout ce qu'il ne voulait pas, et ne devait pas faire en somme . Dans un autre sens, Regnard n'était pas stupide non plus . Quelque soit la question ou remarque formulée par l'assemblée, le prêtre trouverait toujours une réponse ... Il avait été entraîné pour ça . Un ecclésiastique sans talents d'orateur ne devait sans doute pas faire long feu, ou n'était en tout cas pas envoyé à ce genre de réunions . Quand il s'agissait de récolter de nouveaux fidèles, il était évident que l'église ne lésinait pas sur les moyens : cet homme devait donc être un haut gradé, pourvu d'une intelligence assez conséquente . Peu importe ce qui serait dit ce soir . Au final, tout serait rapidement oublié, et malgré tout ce qui pourrait se passer, le prêtre en ressortirait forcément gagnant . C'était ainsi que fonctionnait l'Archipel de la Foudre .

    Malgré tout, le ton commençait à monter à l'intérieur de la maison . À l'image du temps exécrable qui régnait dehors, le débat se faisait plus mouvementé, et autour de la table, un jeune homme se leva brusquement, le visage aussi rouge que la tunique du voisin de Regnard . Contrairement à celui-ci, cependant, cet homme respirait le luxe et la vie facile . Que ce soient ses beaux vêtements faits de tissus fins et délicats ou ses cheveux blonds propres et bien coiffés, tout dans son apparence semblait crier " Money ! " ... Un gosse de riche quoi . Pourtant, ses paroles n'étaient pas alimentées de réflexions stupides, et l'Horloger se surprit à adhérer à certains de ses arguments . Ayant reçu une bonne éducation, le garçon savait à coup sûr comment bien parler . Il était cependant beaucoup trop brusque . Déclarer que " Donar n'existait pas " , même au sein d'une assemblée composée majoritairement d'hérétiques, c'était dangereux . Et assez bête à vrai dire, quand on savait que la-dite assemblée comprenait également un prêtre, qui n'oublierait sans doute pas sa tête de si-tôt . De son côté, il n'allait pas aussi loin que de nier l'existence du Dieu des élémentaux de la Foudre . Quand tous les Mondes comportaient leur divinité, aimée et vénérée par la majorité, remettre en question la véracité de l'une d'entre elles, c'était les effacer toutes . Il voulait bien croire qu'il y avait quelque chose là-haut, plusieurs entités même, assimilables aux différents éléments, mais ses convictions s'arrêtaient à la reconnaissance de leur existence . Vénérer les Dieux, qu'il s'agisse de Donar ou de quelque autre divinité du coin, ne l'avait jamais vraiment beaucoup attiré . Bien sûr, dans sa jeunesse, il avait reçu un semblant d'éducation religieuse de par sa mère, et avait ainsi été initié au culte d'Icare . Mais cette habitude s'était rapidement éteinte lorsqu'il avait commencé à s'éloigner de sa génitrice, et seules quelques exclamations et emplois inconscients du nom de l'Homme-oiseau pouvaient encore prouver qu'il avait un jour suivi sa religion . Une bonne partie des croyants se plaisaient à placer leur destin entre les mains de celui en lequel ils croient . C'était précisément ça qu'il leur reprochait . Ce fatalisme répugnant, à croire que leur Dieu allait tout leur donner, ou pouvait tout leur prendre d'un claquement de doigts . Cette tendance à démissionner de leur rôle de créature dotée de conscience, et donc parfaitement apte à réfléchir et à faire des choix ... Il méprisait cela .

    Et son voisin décida finalement de passer à l'action . Alors que le prêtre était en train de répondre au jeune bourgeois, il se leva brusquement, coupant le premier au beau milieu de sa réplique . Juste quand il abordait un sujet potentiellement intéressant nota Regnard, les voyageurs des Mondes ...

    « Je me présente, Akanek. Je n’ai pas besoin de rester dans l’anonymat. Comme ça vous pourrez jeter vos ordres de sbires minables. Je ne vous crains pas toi et ton Dieu immonde. Prêtre, tu m’as tout pris. Hier, ma femme m’aimait plus que tout. Aujourd’hui, elle m’a jeté dehors car je ne suivais pas assez les préceptes de Donar parce que je ratais certaines des cérémonies en son honneur. Toute votre communauté mérite la mort ! »

    En l'observant à la dérobée, lorsqu'il était encore fondu dans la masse de participants, il l'avait trouvé inquiétant . À présent, pour les observateurs alentour qui le fixaient, il devait susciter quelque chose de l'ordre de l'effroi . En quelques mots, cet " Akanek " avait réussi à s'approprier l'attention de la salle ... Il se baladait avec un couteau, il fallait s'y attendre ... Une chose qui arrivait souvent, mais n'en était pas négligeable pour autant : un autre opposant au régime avait décidé de se dresser activement contre l'oppresseur . Et lui se révoltait donc en sautant sans attendre sur le prêtre, la bouche ouverte sur ce qui ressemblait à des crocs dégoulinant de bave, lame en main . Autour de lui, des cris aigus de femmes, d'autres plus graves d'hommes, tous d'accord pour céder à la panique devant cette attaque soudaine d'un " représentant de l'ordre " , accompagnés des éclats stridents du verre qui se brise . La nappe qui recouvrait précédemment la grande table autour de laquelle ils étaient tous rassemblés était partie, emportant avec elle assiettes et couverts, en un joyeux fracas de porcelaine ébréchée . Comme les autres, il s'éloigna de la table, s'éloigna de la mêlée qui venait de prendre place entre les deux hommes, alors que l'ecclésiastique esquivait de justesse le bout de métal tranchant . Tout ce qu'ils pouvaient faire à présent, lui y compris, était observer en attendant de voir ce qui allait se passer . Bien sûr, personne ne prendrait le parti de l'homme d'église, et lui-même n'en avait pas franchement envie . Quand à l'autre, Regnard considérait ses méthodes comme un peu trop radicales pour songer à lui prêter main forte . Il se contenta donc d'assurer sa propre protection en cas de coup de couteau perdu, inspectant l'atmosphère qui les entouraient . Au dehors, il pleuvait toujours, le silence qui avait envahi la salle était par moments ponctué d'un coup de tonnerre ... Matérialisation de la colère de Donar face à l'affront qu'expérimentait l'un des siens, ou simple hasard ? Très franchement, il n'en avait que faire ... Toujours est-il que c'était parfait . Un orage égalait une ionisation des molécules d'air présentes dans l'atmosphère . Et avec ça, il avait de quoi s'amuser . Très bien .

    Un énième hurlement envahi la pièce, cette fois-ci en provenance de l'extérieur de la pièce . La jeune femme qui lui avait ouvert la porte un peu plus tôt, lorsqu'il était arrivé à la réunion, se tenait dans l'embrasure d'une porte, un plateau renversé à ses pieds . Ce fut elle qui fit pencher la balance, et renversa les rapports de force . Le " terrorisme " tourna la tête vers elle, surprit, et le prêtre en profita donc pour lui asséner un direct dans le ventre, suivit d'un coup de genou qui le projeta sur le sol, grimaçant de douleur . La lame avait changée de main . C'était à présent le vainqueur qui avait en main le couteau toujours immaculé . La suite ... Il ne sembla pas hésiter . D'une manière unanime, tous les présents s'accordaient là-dessus : depuis le début, le prêtre avait sans doute décidé de la mise à mort de son attaquant, et ne perdit pas de temps à aller se placer à ses côtés, lui plaçant le couteau sur la gorge . Leur animosité envers l'église avait-elle obscurcit leur jugement, les forçant à voir ce qu'ils désiraient, soit un homme sans pitié ni merci ? Du sang gicla sur le sol de la salle, mais la maîtresse de maison ne songea pas à faire la moindre remarque à ce sujet, pétrifiée comme les autres . Regnard afficha une moue dégoûtée, bien loin de son habituel sourire poli . Encore du sang ... Inconsciemment, il passa la main sur la trace rougeâtre qui persistait sur son pantalon, souvenir désagréable de son altercation de l'après-midi . Inutile ... Décidément, c'était vraiment sa journée .

    Depuis l'instant où il avait posé les yeux sur le couteau, il s'en doutait ... Voilà que la situation avait dégénérée . Des gargouillements impuissants s'échappaient de la gorge de cet homme aux portes de la mort, qui avait été assez stupide pour défier l'Église . Devant les pieds de son assassin, des flots de liquide d'un carmin brillant s'échappait de sa gorge, formant une flaque plus sombre juste à côté . Derrière l'Horloger, la maîtresse de maison sembla retrouver sa langue à la vue du désastre grandissant, passant rapidement du stade de la négation choquée et silencieuse au dégoût hystérique et apparent . Pendant quelques secondes, le prêtre posa sur elle un regard vide, puis s'agenouilla à nouveau près du wannabe cadavre . Alors que Regnard haussait le sourcil, se demandant s'il comptait mettre fin à ses souffrances, il posa la main sur le cou tranché du malheureux, et au grand étonnement de la foule, la blessure commença à se refermer ... C'était ça son pouvoir ? Un fervent adepte de Donar ? Un élémental de la Foudre ? ... Non, bien sûr que non, il ne voyait pas vraiment ce quoi dans l'élément Foudre aurait été capable d'accomplir de telles choses ... Il y avait quelque chose qui ne collait pas .

    Par terre, Mister Akanek était devenu bleu, un symptôme évident de l'absence d'oxygène . Au vu du traitement infligé à son corps, il était certain qu'il souffrait d'une grave hémorragie interne causée par son ancienne blessure, et que cela l'empêchait également de respirer ... Étouffé par son propre sang, ou à cause du manque d'air, dans les deux cas son agonie serait sans doute longue et douloureuse ... Pendant un instant, il envisagea de mettre fin à ses souffrances d'un coup de fleuret . Il s'en abstint cependant : se détacher du groupe en un moment pareil, il n'y avait rien de mieux pour attirer l'attention . La mine contrariée, il resta donc là à regarder l'homme mourir, sans bouger, comme les autres . Quelques minutes passèrent . Et quand l'homme ne donna plus signe de vie, le prêtre marmonna quelque chose avant de le transporter dehors, sous la pluie battante . Derrière lui, la foule ne bougea toujours pas, comme paralysée . Il ne pouvait pas vraiment les blâmer ... Assister à une mise à mort aussi sanguinolente et violente, ce ne devait certainement pas leur arriver tous les jours . De son côté, il s'approcha de la fenêtre . Au travers des trombes d'eau qui dégringolaient du ciel, il pouvait apercevoir distinctement la silhouette du prêtre qui creusait activement le sol du jardin, façonnant une tombe de fortune . Le prêtre ... Le prêtre qui avait refermé la blessure de son assaillant grâce à un simple contact avec la paume de sa main ... Le prêtre à la peau pâle, contrairement aux autres occupants de la salle, à l'exception de l'Horloger . Malgré les règles strictes qu'il pensait mises en place au sein de l'église de Donar, c'était évident ...

    « Il n'est pas un natif de la Foudre ... »

    Ce qui n'était qu'un murmure à demi-conscient destiné à alimenter ses réflexions eu pour effet de dégeler la salle . Cet étranger un peu bizarre aux cheveux blancs et aux yeux rouges, probablement un albinos, qui n'avait pas ouvert la bouche du débat, s'était finalement décidé à parler . Et derrière lui les murmures reprirent, allant à un rythme effréné qui aurait facilement pu rivaliser avec celui, tout aussi rapide, du fracas de la pluie sur la vitre . Ils y mettaient des tons indignés et des hochements de tête, tous dirigés à l'encontre de ce prêtre qui venait de tuer un homme sous leurs yeux . Que ce même homme ait pu attenter à sa vie quelques minutes plus tôt, qu'il ait eu l'air d'avoir quelque peu perdu sa tête, tout cela était oublié . Une seule chose restait : le prêtre avait éliminé l'un des leurs ... Rapidement, une voix monta, s'élevant au dessu des ordres de par le surplus de charisme et d'adresse employés par son possesseur ;

    « Une telle chose est tout simplement inadmissible ! Surprit, Regnard se retourna, reconnaissant le jeune bourgeois de tout à l'heure . Le poing levé, le visage rougeoyant sous l'effet de l'adrénaline, il semblait avoir prit la tête de l'assemblée . Qui nous dit qu'il ne viendra pas nous assassiner dans notre sommeil à présent, nous, des braves gens qui n'ont rien à se reprocher ? Qui croit-il être exactement, avec ses airs supérieurs ? Aux dernières nouvelles, nous sommes les seuls à avoir fait preuve d'assez de présence d'esprit pour déceler le mensonge dans le sermon de ceux de sa caste ! Il nous faut nous défendre ! Frapper avant qu'il ne nous frappe ! Si nous restons ensembles, contre nous tous il ne pourra rien faire ! »

    Des exclamations, des marques d'approbations bruyantes parcouraient la foule . Nouveau froncement de sourcil . Ce n'était pas bon du tout . Se détournant de la fenêtre, laissant transparaitre le jardin, où le prêtre terminait sa besogne, il s'avança quelque peu vers les autres, au fond de la salle .

    « Ne soyez pas stupides ... lança-t-il en direction du jeune homme . Portez la main sur lui, et il y aura des représailles . Ils vous tueront tous jusqu'au dernier . »

    Un frisson parfaitement perceptible parcouru l'assemblée, alors que quelques regards se portaient sur la tache d'un rouge sombre qui ornait à présent le sol, un peu plus loin, accompagnée d'éclats de verre et de porcelaine . Tous les habitants de Sobek'dan ... Un tel massacre, à cause d'un seul homme ? Aussi fous que cela puisse paraitre, c'était pourtant la vérité . L'église ne faisait pas dans la dentelle . Elle n'avait jamais rechigné devant quoique ce soit pour mater les graines de rébellion ci et là, et c'était sans doute d'ailleurs pour cela qu'elle était toujours en place après tout ce temps . Devant la réalisation de ce qui pouvait leur arriver s'ils agissaient précipitamment, les élémentaux de la Foudre semblèrent se décourager rapidement . L'ambiance morose qui s'était instaurée après la mort de l'homme au couteau reprit vite place, et le jeune blanc-bec, voyant sa tentative de manipulation de la foule échouer, alla se rasseoir en faisant la moue . Puis, une à deux minutes plus tard, le prêtre revint . Il était temps .

    Trempé jusqu'aux os, il parcourut la salle du regard . Sans doute put-il sentir quelque réminiscence de l'ambiance révoltée qui avait agitée les participants quelques instants plus tôt, peut-être préférait-il prévenir que guérir, ou alors appréciait-il simplement les grands discours de ce genre devant une foule désabusée ... Toujours est-il qu'il prit rapidement la parole, dissuadant de nouveau le peuple de quelque représailles que ce soit . Assassiner tout le monde, même les femmes et les enfants ... Regnard sourit faiblement, un sourire sans joie, très différent des rictus amusés ou inconscients qui se peignaient d'habitude sur son visage . Oui, l'église en était capable . Elle était capable de tout . Seule une question persistait : que comptait faire le prêtre à présent ? Il n'espérait tout de même pas que l'assemblée puisse reprendre après une telle interruption ? Si tel était le cas, il risquait sans doute de se retrouver quelque peu surpris ... En effet, Regnard doutait fortement que quiconque ait envie de s'opposer à lui, même avec de simples mots, après ce qui venait de se dire . Alors ? Qu'allez-vous faire, cher suppôt de Donar ?



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Davon Frodon
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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeJeu 12 Aoû 2010 - 20:57

- « Merci encore pour votre achat, Au revoir. »

Davon adressa un bref signe au vendeur avant de sortir du petit magasin. Il venait de s’acheter de quoi subsister quelques jours… Dans ces quartiers pauvres, Davon avait toujours pu se procurer de la nourriture même si elle n’était pas très « saine ». Il poussa un soupir alors qu’il mettait le reste dans sa bourse quasiment vide. Il la rangea lentement dans sa besace alors qu’il descendait les quelques marches. Ses pieds vinrent rejoindre la rue sale.
Le jeune homme se mit en marche, ne se souciant pas du ciel, noir et grondant au-dessus de la ville, prêt à se déverser sur RaiKanD’jan. Un léger vent frais courrait à travers les ruelles, essayant ainsi de disperser la chape de chaleur étouffante qui s’était abattue sur la cité.
Davon se trouvait dans les bas quartiers de la ville. Le jeune homme avait toujours eut beaucoup de mal à passer dans ce genre de quartier. À ce moment-là, il maudissait les prêtres qui avaient la richesse et le pouvoir. Richesse qu’ils amassaient pour eux, se gardant bien de le partager avec les personnes qui en avaient réellement besoin. Cela le révulsait.
Lorsqu’il était prêtre, il avait souvent fait quelques dons au clochard. Mais dans ses conditions, il ne pouvait rien faire à part essayer de survivre et de se sustenter.
Un long frisson remonta le long de son dos alors qu’il se hâtait. La ville sombre et austère semblait attendre enfin que la colère « divine » s’abatte sur elle, purificatrice. Le climat de l’archipel était vraiment pluvieux en ce moment. C’était la saison, le tonnerre, la foudre… grondante, déchirant les cieux, illuminant la ville.
Davon resserra l’écharpe noire qui se trouvait enroulée autour de son cou. Petit à petit, il commençait à quitter les bas quartiers pour entrer dans la partie de la ville où habitaient les classes moyennes. Il commençait à se sentir mieux.
Tout de même, cela faisait bien quelques années qu’il devait trouver de quoi subsister, de l’argent. Dès qu’il s’était retrouvé à RaiKanD’Jan il avait dû se mettre à économiser, à faire très attention à ce qu’il mangeait ou à ce qu’il faisait. Surtout il avait dû se trouver des petits « boulots » tout en essayant que ce soit à chaque fois temporaire. On ne posait pas trop de question au petit nouveau de passage.
Mais certaines fois, on pouvait commencer à sympathiser avec les autres. Et cela ne donnait jamais rien de bon. Davon aurait dû constamment faire attention à ce qu’il disait. Il prenait un nom d’emprunt (ou ne donnait pas du tout son nom certaines fois) il fallait que le blond se reconnaisse à chaque fois qu’on le hélait et cela pouvait amener à des situations cocasses.
Pensif, Davon traversa une longue allée avant de rejoindre une petite place très fréquentée habituellement et aujourd’hui quasiment déserte. En effet, les lourds nuages prometteurs de tempête avaient fait fuir les habitants de l’archipel les plus téméraires. Le jeune homme s’avança au milieu de celle-ci, observa un instant les alentours et les bâtiments qui l’entouraient, austères. Un silence lourd et pesant planait en cet endroit.
Le jeune homme s’approcha de l’une des portes faites en bois massif. Davon n’hésita qu’un court instant, sa main se posa sur la poignée noire et il poussa la lourde porte.

- « Tiens, tiens… Salut le blond. »
- « Bonjour… »

Un homme au comptoir l’observait avec un sourire amical. Il Dépassait Davon d’une bonne tête, ses cheveux aux couleurs châtains ombrageaient légèrement son front. Ses yeux verts foncés et rieurs continuaient à le fixer alors que Davon refermait la porte derrière lui. Il avait une peau plutôt pâle pour un originaire de l’archipel mais ces traits marqué et sa musculature assez forte compensait fortement sa couleur.
Davon s’avança légèrement, il entrait dans un espace clos et sombre. Quelques personnes relevèrent des yeux éteints ou désintéressés vers le nouveau venu. D’autres, totalement indiffèrents ne lui prêtèrent même pas attention.
Davon s’approcha du bar et ainsi de l’homme qui l’avait salué.

- « Alors blondinet ?! j’imagine que tu viens pour la même chose, non ? »
- « Et oui ! Aurais-tu du travail pour moi? »
- « Tu viens vraiment que pour ça ? Bon… Attends je vais voir ça… »

Le gérant prit le temps de réfléchir avant d’observer les quelques clients qui continuaient à ruminer leurs sombres pensées. Il se retourna vers Davon, qu’il savait facilement intimidable.

- « Hey, les gars, Vous avez du boulot à refiler au jeunot ? »
- « T’es pas un peu gonflé de l’appeler jeunot ? Vous avez quasiment le même âge ! »
- « Écoute en même temps, je l’appelle comme je veux. Et puis je suis plus grand que lui de quelques années, ça ne se voit pas ? J’ai 21 ans ! »

Il s’était légèrement redressé, fier de son âge. Davon l’observa en souriant, mais ne dit rien. Il faisait souvent plus jeune que son âge surtout lorsque l’on observait les adolescents de son âge. Au lieu d’avoir une musculature développée et une peau brune, Davon était fluet et une peau assez pâle pour un habitant de l’Archipel. Cela devait sûrement venir de l’héritage maternelle.

- « Viens-en au fait, étant donné que ce petit gars à l’air muet, pourrais-tu me dire ce qu’il est prêt à faire ? une spécialité ? »
- « Je… Je suis disponible pour toute sorte de travail. »
- « Hum… Très bien. Tu pourrais m’être utile alors. Je finis ma choppe et on se retrouve dehors. Je connais quelqu’un qui pourrait être intéressé par un petit gars comme toi, fauché comme les blés et donc prêt à tout. »

L’homme sourit légèrement alors qu’il continuait à boire. Davon se retourna vers le tavernier et lui rendit son sourire.

- « Merci. »
- « Il n’y a pas de quoi, mais la prochaine fois, arrête-toi boire un coup ! Mais je te préviens : ce sera sans alcool ! Car sans alcool la fête est plus folle. » il rit un instant avant de reprendre « en même temps si le patron se penchait sur l’ambiance… enfin, c’est ca qui fait le charme de ce magnifique établissement. Bref ! Allez dehors, je vois que Vileni a fini sa bière. Et RE-VIENS dès que tu as un peu d’argent à dépenser ! »
- « D’accord, merci beaucoup. Je reviendrais, Aurevoir. »
- « Tu dis toujours ça, gamin… Mais au final tu ne dépenses pas un rond ! Mince alors, je me demande pourquoi je fais ça pour un gosse que je ne connais même pas.

Davon eut un faible sourire alors qu’il se dirigeait vers l’homme qui l’attendait devant la porte en massif. L’homme arrangea son long manteau avant de s’avancer sous le ciel sombre de l’archipel. Il leva légèrement les yeux vers les cumulo-nimbus immobiles et menaçants.

- « Et bien… Quel temps ! » il se tourna légèrement vers Davon qui l’observait en retrait « le Boss cherche des personnes aptes à travailler pour lui en ce moment. Tu seras payé une broutille, mais payé quand même. »
- « Je ne m’attendais pas à grand-chose, vous savez… »
- « Très bien ! S’il te trouve une utilité, Le Boss pourrait être généreux… Alors suis moi, je crois que Managarm doit être dans le coin. »
- « Merci beaucoup. »

Davon hochait la tête alors qu’il suivait docilement l’homme qui slalomait entre les petites ruelles de la ville. Ils continuèrent ainsi à marcher pendant une vingtaine de minutes pour arriver dans une autre allée. Plus ouverte et beaucoup plus propre, Davon était arrivé dans un quartier mieux entretenu que les précédents. Il devait se trouver dans les quartiers aisés bien que celui-ci ne soit pas encore au summum de la richesse, cependant il serait agréable de vivre là. Ce Managarm devait être quelqu’un de riche, alors ?
L’homme se présenta devant une porte bien facturée et y toqua. Après quelques minutes, il le réitéra son geste. Peu de temps après une petite fille ouvrit la lourde porte. Elle observa les deux hommes sur le perron avec curiosité.

- « Bonjour petite poupée. »
- « Bonjour tonton Vileni... Lynda est désolée, mais elle n’a pas eu le temps d’ouvrir… »
- « Ce n’est rien, ce n’est rien… Ta mère est occupée avec Managarm, non ? Tu pourrais nous conduire à lui ? Tu serais gentille. »

La petite fille ouvrit la porte complètement et les laissa entrer. Ses petits sourcils se froncèrent lorsqu’elle vit Davon et elle attrapa la manche de son « oncle » pour lui murmurer quelque chose à l’oreille.

- « Ne t’inquiète pas, c’est une connaissance. D’ailleurs, pourrais-je avoir votre nom ? »
- « Chin. »
- « Chine ? Étrange prénom. Allez ne t’inquiète pas, avance. Le patron est très sympathique. »

Davon arriva dans une large entrée. Un instant il resta immobile devant le luxe que dégageait la demeure. Puis voyant que les deux autres étaient bien plus loin, il se hâta pour les rattraper.
La petite fille se dirigea vers la première porte où l’on pouvait entendre des cris hystériques et à contrario une voix posée qui raisonnait pourtant encore plus les hurlements. Leur petit guide toqua quelques coups à la porte. Les voix s’estompèrent et un « entrez » se fit entendre. L’enfant ouvrit la porte et se dirigea immédiatement vers sa mère qui la gronda doucement :

- « Ma chérie… je croyais t’avoir dit de ne pas me déranger. »
- « Mais c’est tonton Vivi !! »

La mère se retourna vers eux et leur fit signe de s’avancer. Davon, légèrement en retrait ne voyait aucunement l’intégralité de la pièce et il attendait de voir l’auteur de la voix grave et posée, on nouvel employeur.
Le blond s’avança de quelques pas et se fut à ce moment-là que ces yeux furent attirés par une sorte d’aura altière. Il aperçût un homme, un bel homme, Grand, aux cheveux noirs à peine parsemé de quelques mèches grisonnantes. Il portait un costume quasiment noir. Le mot prêtre résonna un instant dans sa tête et une peur irraisonnée l’immobilisa.
Et s’il venait proposer ses services à un prêtre au placé ?

- « Avance donc Chin »

Davon fixa un instant Vileni avant de s’avancer. Ses yeux dorés aperçurent immédiatement le léger sourire qui étirait le coin des lèvres de l’homme. Un instant le sentiment oppressant qu’il ressentait s’amplifia. Ce regard et ce sourire là… ne lui disait réellement rien qui vaille. Il espérait qu’il ne l’ai pas reconnu. Davon continua à l’observer et se calma petit à petit. Le self-contrôle de Managarm le rassurait. Peut-être qu’il s’était trompé, après tout. En ce moment, cela lui arrivait souvent d’être paranoïaque.

- « Et bien Vileni, tu es en avance ?
- « Oui… J’ai trouvé cet homme au bar. Chin voici Managarm, le patron. »
- « Et pourrais-je savoir la raison de ta présence ici, Chin ? »

Une voix grave et assurée. Tout inspirait le respect et la droiture chez cet homme, une sorte de charisme impressionnant émanait de lui. C’était réellement troublant. Il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer un tel personnage. Managarm avait une classe naturelle et était presque… envoûtant.
C’était étrange.

- « Je recherche un travail. Je suis prêt à tout. »
- « Vileni prend des initiatives maintenant ? » s’exclama Managarm en observant Vileni du coin de l’œil.
- « Et bien, à force cela commence à rentrer. »
- « C’est bien. Surtout que je cherchais justement de la main d’œuvre. Mais nous discuterons des thermes du contrat plus tard. » Il se retourna vers la femme « Madame. »
- « Managarm. » elle inspira longuement, sa colère affluant de nouveau « Je te préviens, je ne suis pas dupe. Si tu ne me ramènes pas dans les plus brefs délais soit : mon argent, soit une nouvelle machine en parfait état de marche. Les répercussions pourraient être terribles »
- « Je suis désolé, je ne vais pas pouvoir m’en occuper. Vileni. » L’homme s’avança vers eux « Je veux que tu t’arranges avec elle. Demande lui tous les détails sur cette affaire, je n’ai pas le temps de t’expliquer. Chin va m’accompagner alors tu me feras ton rapport ce soir. Madame, je vous souhaite une bonne journée. »

Vileni s’inclina et observa un instant la femme qui observait son patron avec une rage non-dissimulée.

Pendant ce temps, sur le perron, Davon aurait préféré être très loin d’ici. Et surtout il aurait préféré rester avec Vileni, il ne lui semblait pas menaçant, au contraire de Managarm. Le gardien jetait de bref coup d’œil nerveux à l’homme qui le fixait sans détours. Le blond était vraiment gêné de cette attention. Il expira longuement, tentant vainement de calmer son stress.
Le jeune homme sursauta lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule. Il se retourna vers Managarm qui lui souriait, essayant presque de se montrer rassurant.

- « Il n’y a pas de raison d’être nerveux. Je veux juste te parler de ce que tu pourrais faire pour moi. »
- « Ah… » Étrangement toute anxiété semblait quitter son corps doucement.
- « Très bien. » La main quitta l’épaule du jeune homme et vint reprendre sa place dans la poche de sa veste. « Si vous acceptez de travailler avec moi, le logement et la nourriture seront pris en charge. Il faudra que vous sachiez que le logement se trouve en ma demeure. Ensuite, je veux que vous soyez disponible pour n’importe quel travail et que vous m’obéissiez. »

Les sourcils de Davon se froncèrent légèrement. Le sourire de Managarm ne lui inspirait pas confiance. Enfin c’est ce qu’il essayait de se dire. La méfiance n’était pas vraiment dans sa nature, mais les évènements auxquels il avait participer l’avait rendu un tant soit peu paranoïaque.
Aussi étrange que cela puisse paraître, l’offre que cet homme lui proposait était démesurément grande. Surtout s’il l’engageait seulement comme un « larbin ». Mais en même temps, le fait d’avoir un lit et un repas chaque jour, être ainsi assuré, le tentait terriblement.
Ce n’est pas comme s’il avait réellement le choix. Et puis, au pire, il pourrait s’enfuir.

- «Très bien… j’accepte ces termes. »
- « Je suis heureux de l’entendre dire. Mais rien n’est réellement décidé encore. Je vais te montrer ton prochain lieu de résidence et puis nous signerons un contrat nous engageant l’un et l’autre à nos obligations. »

Contrat ? Davon n’avait jamais dû faire cela pour ses anciens « patrons ». Il écarquilla les yeux alors que Managarm commençait à s’avancer entre les rues désertées par la foule. Le blond lui jetait des coups d’œil insistant parfaitement ignoré par l’homme.
Dompter une bête sauvage recourait beaucoup de patiente et de savoir-faire. Après avoir attiré l’animal il fallait le laisser s’habituer à votre présence. Jusqu’à ce qu’il soit complétement dévoué et à votre service. Et Davon ressemblait plutôt à un animal domestique forcé à s’adapter à ce monde austère contre son gré. Et puis la tache pourrait être plus aisé que prévu car il connaissait la naïveté de ce personnage.
Une goutte s’écrasa sur le crâne de Davon. Il leva les yeux au ciel, ou plutôt, son regard s’arrêta à la grondante barrière de nuage noire. D’autres suivirent la première, venant s’exploser contre les pierres froide de RaiKanD’Jan.
Managarm posa un chapeau noir sur son crâne. Il s’arrêta soudainement, la pluie commençait lentement à tomber avec plus d’ardeur, et ne tarderait pas à tomber à torrent sur la ville.

- « Transforme-toi. »

Davon haussa un sourcil, étonné par la requête, mais obéit. Après tout, autant se mettre aux bonnes habitudes dès maintenant, n’est-ce pas ? Il laissa sa forme animale prendre le dessus et un Birman apparu au pied de l’homme. Celui-ci se baissant légèrement et le pris dans ses bras ; Davon poussa un miaulement choqué, ne comprenant pas pourquoi l’homme faisait cela. Mais il le protégeait ainsi de la pluie.
Ils continuèrent à marcher ainsi, les gouttes d’eau dégoulinaient du couvre-chef. Davon, quant à lui, observait la ville plongée dans un sommeil agité. Un éclair zébra le ciel, le sciant en deux le temps de quelques secondes. Le chat cligna des yeux à cause de la luminosité bien trop forte.
Le grondement qui s’ensuivit fit trembler RaikanD’Jan.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent tous deux vers un coin de RaiKanD’Jan que Davon n’avait jamais aperçu. Ou bien était-ce dû à la pluie qui brouillait tout ? Il avait l’impression qu’un rideau lui obstruait la vue et il se demandait bien comment Magarnam pouvait se repérer là-dedans. En tout cas ce quartier lui semblait… Étranger. En même temps, il n’était toujours resté que dans une certaine partie de la ville.
Alors que l’homme continuait à marcher, une odeur sournoise voilée par l’odeur de la pluie, vint chatouiller l’odorat développé de l’animal. Davon grogna légèrement en sentant l’odeur métallique du sang. Magarnam s’arrêta immédiatement. Son regard vint se tourner vers une villa à peine visible. Un instant il crut apercevoir une ombre sous la pluie battante. Et le bruit disgracieux de la pelle creusant la terre imbibée de pluie.
Puis un corps lourd jeté sans ménagement dans ce qu’on aurait cru prendre pour de l’eau boueuse. Les yeux du noble se durcirent alors qu’il entrait dans la propriété. Il ne put apercevoir que le dos de l’homme rentrant à l’intérieur de la chaumière.
Un dos couvert de noir.
L’animal miaula, semblant poser une question muette alors que Managarm s’avançait vers le palier. Bientôt ils y furent, protéger de la pluie. L’homme enleva son manteau trempé ainsi que son chapeau et posa le chat sur son épaule.

- « Nous allons faire un petit détour avant de rentrer. Ce sera pour toi une expérience enrichissante. Alors reste tranquille. »

Ce n’est pas comme si Davon avait une autre alternative à moins de retourner sous la pluie battante ? Le chat s’ébroua légèrement, mais resta sur son promontoire bancal (qui avait dit que c’était simple de se tenir sur une épaule ?). Managarm toqua à la porte avant de l’ouvrir. Il déposa ses vêtements trempés de pluie à un porte-manteau. Il s’avança dans le petit hall.

- « Seigneur !! » L’homme se tourna vers la servante qui avait attrapé un produit de nettoyage « Que-que faites vous ici, monsieur ? Je… ne croyais pas que nous aurions.. l’honneur de recevoir votre visite aujourd’hui… Mais j’ai b-bien peur que nous soyons déjà occupés. »
- « Je suis au courant. Je viens régler quelques petites choses. »
- « Ah… je-je vais vous apporter une chaise pour vous, alors, monsieur… »
- « Tu es bien blanche. Va passer un peu d’eau sur ton pauvre visage. Tu as l’air d’une morte. »

Les yeux de la jeune femme s’embuèrent alors qu’elle courait vers la cuisine. La scène précédente devait passer et repasser dans sa tête. Le son d’une voix calme posée, le fit se retourner vers la pièce rechercher. Dans son trouble, la servante n’avait même pas pensé à lui indiquer le lieu où se déroulait le « meeting ».

- « …disparition aurait été suivie de répressions très violentes contre Sobek’dan…. »

Cela sonnait d’une monotonie habituelle. Un sourire vint fleurir sur les lèvres de l’homme. Alors comme ca un prêtre osait se montrer dans Sobek’Dan : son quartier, et n’avait pas hésité à tuer un homme ?
Le chat sur l’épaule de l’homme remua quelque peu, mal à l’aise. La suite du discours était effrayant et le fait de se sentir aussi près d’un prêtre (car cela en était un, non ?) ne le mettait pas tout à fait à l’aise. Pourtant sans aucune crainte, le noble personnage entra dans la pièce.
La quasi-totalité des regards se tournèrent vers lui. Ils le connaissaient presque tous à part ce jeune homme aux cheveux blancs et aux yeux rouge rubis.
Un sourire fou se dessina un instant sur ses lèvres alors qu’il sentait la douce fourrure contre son cou. Voilà les deux frères réunit et ceux-ci ne se reconnaissait même pas. C’était… vraiment intéressant.
Le sourire disparut aussi vite qu’il était apparu, redevenant seulement une esquisse.
Il s’arrêta derrière la maîtresse de maison qui l’observait assez étrangement.

- « Et bien, je m’excuse d’ainsi troubler votre réunion. Mais j’ai été ralenti par un léger contretemps. »

Il sourit et bientôt la jeune servante revint, portant entre ses bras maigrelets une lourde chaise. Managarm l’attrapa et vint la déposer entre deux personnes qui se poussèrent légèrement pour lui faire de la place.
Managarm s’installa, le chat descendit sur les genoux de l’homme alors que celui-ci déposait ses coudes sur la table. Observant Celym au bout de la table.
- « Maintenant que je suis installé, je crois que nous allons pouvoir commencer à parler sérieusement. » le sourire s’accentua alors qu’il fixait le prêtre « Avant toute chose, j’aimerais éclaircir un point. Bien que vous soyez un prêtre au service de « cette entité », je refuse de vous voir faire comme bon vous semble. Ici, vous êtes sur un autre territoire, bien diffèrent du reste du RaikanD’Jan… je crois que vous l’avez remarqué, non ? » il fit une légère pose en balayant la salle de la main « Le fait est qu’ici, nous sommes régis par d’autres lois et, chaque personne commentant un forfait tel que de tuer un prêtre ou d’attenter à la vie d’autrui doit mourir. Et je suis totalement d’accord avec ce constat. Les personnes qui pourraient menacer la « communauté » devraient mourir. Mais sachez que votre acte déraisonné, pourrait entraîner un mouvement de révolte. Je crois que vous avez tous conscience, vous les prêtres, du problème que commence à poser les étrangers, les non-croyants ou encore ces chiens d’hérétiques. » Ses yeux ne quittaient pas ceux de Celym. Il ne cherchait pas à le troubler ni à essayer de l’effrayer, mais évoquait juste un fait « Le nombre de ces gens-là augmentent, tous cela est dû à la pauvreté de certains quartiers. Plus le temps passe plus Sobek’Dan commence à croître, empiétant sur les maisons situé aux alentours de nos quartiers. Les lourds nuages commencent à s’étirer au dessus de la ville ainsi qu’au dessus de la caste régnante. La moindre petite brise pourrait faire éclater ce nuage. Et faire gronder l’orage et tomber la foudre. Et cela pourrait entraîner une guerre civile, meurtrière, directement dirigé en l’encontre des prêtres et des gardes. Et dans tous les cas, les pertes seraient terribles dans les deux camps. Même après l’extinction totale de « notre race » de déraisonnés. C’est pour cela que mon seul conseil serait de faire attention à vos faits et gestes ici, jeune homme. Vous n’êtes plus sur le sol donné par Donar mais sur des terres hostiles, grondantes, prêtes à vous engloutir au moindre faux pas. »

Il s’arrêta légèrement. La pièce était plongée dans le silence le plus totale. Il observa les autres personnes présentes autour de cette table et constata avec un certain plaisir qu’aucune personne « réellement importantes » n’était venu à cette rencontre. En plus d’être inutile, cela aurait été stupide. Les seuls présents étaient de simple habitants de Sobek’Dan ou bien des hommes manquants de confiance et voulant prouver ou affronter (même indirectement) la religion.

- « Il vous manque beaucoup de sagesse, jeune homme. Mais sachez que le genre d’incident qui s’est produit quelques instants plus tôt ne se reproduira plus. J’y veillerais. »

Ses yeux sur cette dernière phrase s’étaient fait plus durs. Son dos droit, ses gestes amples et élégants, tout en lui trahissait sa nature (ou ancienne nature) de noble. Et dans ce quartier décalé, Managarm n’était pas quelqu’un de banale. Il était beaucoup plus.


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Celym Frodon
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MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeMer 29 Sep 2010 - 18:34

Tous les protagonistes gardaient le silence. La petite servante s’était précipitée dans la buanderie pour trouver des produits d’entretien. La maîtresse de maison était proscrite sur une chaise, son teint était d’une pâleur mortelle. Ses yeux hagards restaient fixés sur la tâche de sang qui ornait, pour encore à peine quelques minutes, son carrelage. Dans ce climat de tension tel on aurait pu entendre les mouches volées.
Celym soupira, il n’avait décidément rien à faire ici. « Tous des lâches » pensa t’il. L’aversion qu’il avait pour le genre humain le reprit avec une force qu’il ne pu réprimer que difficilement. L’espace d’une seconde, il eut envie de cracher toute sa haine aux représentants de ce qu’il pensait être de la vermine. Mais tous ceux-là, il n’en valait pas la peine. Leur regard supérieur, leur envie futile de se relever contre l’ « oppresseur ». aucun n’avaient d’idée réellement valable, aucun ne dégageait le vrai pouvoir de la foi. Oui de la foi, car bien que cela pu surprendre, Celym croyait que la foi, et peu importe vers quoi ou qui elle était tournée, pouvait faire déplacer des montagnes.
Il se souvint du jour où un « hérétique » avait été exécuté sur l’autel de Donar. C’était un homme au regard fier et dur. Jusqu’au dernier moment, il avait jaugé les hommes qui l’entouraient.
Il était lié à un poteau de bois recouvert d’un liquide inflammable, à l’extrémité de ce piquet se tenait un paratonnerre d’un genre particulier. En effet, au lieu d’amener l’énergie de la foudre vers la terre, il permettait de provoquer l’étincelle qui allumerait le brasier. Sur l’archipel, ce n’était qu’une question d’heures, voir de minutes avant que l’exécution soit ainsi réalisée.
Avant que les flammes n’atteignent son corps, son visage s’était crispé dans un dernier rictus d’orgueil et il les avait regardé avec un air de défi et avant de s’éteindre il s’était écrié «Donar tombera sous notre volonté ». Sur le coup, comme les autres, Celym avait été offusqué de cette insulte envers Donar, il croyait cet homme fou, habité par un mal pernicieux qu’il avait détourné du vrai sens de la vie : Donar. Cependant, il avait été intrigué par ce personnage et avait été fouillé dans les registres de l’Eglise. Les « dépositions » de l’homme étaient stupéfiantes. Au premier jet, Celym ne les comprit pas. Dans chaque phrase revenait le même mot « liberté », « croyance ». Pourtant rien ne faisait allusion à Donar. Cet hérétique était donc allumé par une autre flamme que celle donnée par Donar. Comme lui, il avait une raison de vivre, comme lui ses mouvements n’étaient pas dictés par sa propre volonté mais par celle d’un autre. La liberté comme il l’appelait.
Le jeune prêtre s’était rendu compte que, peu d’homme pouvait s’enorgueillir de connaître un tel sentiment. Depuis ce jour, la plupart de la population lui avait semblé bien vide. Il avait tenté, dans ses premiers sermons, de leur donner l’impulsion nécessaire à leur épanouissement, de les écarter de leur chemin monotone que constituait leur vie. Ce qu’il avait fait n’avait été que vain.

Ne voyant que personne ne réagissait, n’osait objecté quoi que soit. Il aurait pensé qu’au moins un des participants aurait levé la voix pour dénoncer l’infamie qui avait été produite devant leurs yeux. Apparemment ce n’en était décidément pas vraiment une.

Celym attrapa la nappe qui jonchait encore le sol et se mit à se sécher avec. Il n’en avait seulement que pour quelques instants. Quand il fut à peu près sec, il jeta la nappe par terre et se dirigea vers le vestibule pour récupérer sa veste et s’en aller. Sa mission s’arrêtait ici et il était bien heureux de quitter ce petit monde ridicule. Il fut interrompu dans ses réflexions par des bruits de voix provenant de la buanderie. Il tendit l’oreille, la servante parlait d’une voix saccadée, tremblante. Celym se figea, intrigué. Un retardataire ? Il avait pourtant été très clair sur l’heure du rendez vous. Le jeune prêtre haussa les épaules, après tout, il n’en avait cure à présent.
Avant même qu’il ne puisse esquisser un pas, un homme se présentait dans l’embrasure de la salle. Il était habillé de noir comme aurait pu l’être un prêtre, il était bien bâti et ainsi imposait un certain respect. Sa peau claire montrait bien que le dur travail des paysans de l’archipel n’était pas le sien. Ce visage… Il lui semblait familier. Celym n’arrivait pas à dire où il avait vu mais il l’avait déjà vu quelque part. En voyant la servante de la maison s’affairée ainsi autour du nouvel arrivant, Celym se rendit compte qu’il s’agissait apparemment de quelqu’un d’important. Quelques-uns des convives avaient tenté un faible geste de salut envers lui, mais tous s’étaient soldés par des échecs. Le trouble des invités était palpable, cela avait même fait sortir la maîtresse de maison de sa léthargie, un exploit vu les circonstances.

Sans un mot pour l’assemblée, le nouvel arrivant s’installa confortablement sur une chaise que la servante lui avait apportée. Celym remarqua alors le chat qui l’accompagnait. Celym réprima un sourire et une envie de rire qui lui montait des entrailles. On ne pouvait pas faire plus cliché. Le mafieux régnant sur sa cour, un chat ronronnant et grassouillet planté sur ses genoux mieux considéré que la plupart de ses sujets.

Cependant, Celym arrêta bien vite ses élucubrations quand l’homme se mit à parler, ou plutôt à vomir sur sa personne. Celym fut choqué qu’on lui parle ainsi. Personne, personne en dehors de sa communauté (et encore cela faisait déjà quelques années que même ses collègues faisaient attention à leur propos) n’avait jamais osé lui parler aussi.
Le cerveau du jeune prêtre était en ébullition, il n’attendait qu’une chose, que ce chien arrête ainsi de parler pour qu’il le démolisse avec la meilleure arme qu’il possédait : l’éloquence.
Alors qu’il échafaudait ses répliques, le visage du jeune bourgeois l’interrompit. Il semblait regarder, un dieu. Ces yeux grands ouverts semblaient tenter de prendre encore et jusqu’à la dernière goutte l’aura que l’homme dégageait. C’est alors que Celym se souvint. Managarm, c’était bien lui. Le « chef » de Sobek’Dan. Il avait toujours eu pour lui une aversion profonde. Il se souvint de son rire quand Anuxum, le prêtre suprême, lui avait annoncé que son frère, était parti avec la clef. Oui, il se souvint, les pots de vins aux prêtres. Il était partout et nul part à la fois. S’il le voulait il pouvait changer le cours d’un procès, annuler des constructions dans la ville et même planifier des fêtes païennes interdites. Son empreinte spéctrale était partout sans que l’on puisse la saisir.

Celym était contrarié par les manières de cet homme, il était à ce moment désespérément furieux. Oui, il était furieux, car il ne pouvait rien faire contre lui. Il devait agir comme un chiot sans défense et repartir la queue entre les jambes. Cela le dégoûtait, il aurait aimé lui faire du mal. Il tenta de se contrôler avant que la colère ne se propage dans tout son corps et ne teinte son visage.

« Il vous manque beaucoup de sagesse, jeune homme. Mais sachez que le genre d’incident qui s’est produit quelques instants plus tôt ne se reproduira plus. J’y veillerais. »

Les dernières paroles prononcées par Managram secoua le corps du jeune prêtre tel un électrochoc. Un rire nerveux traversa ses lèvres sans qu’il ne pu le retenir. Pendant une ou deux minutes ce fou rire le tint appuyé contre la table. Les autres autour de lui le regardait d’un air, interloqué. Même le chat semblait être dans la confusion la plus totale. A vrai dire, seul Managarm tenait sa passivité légendaire.
Petit à petit, les hoquets de rire s’effacèrent, Celym essuya rageusement les larmes qui lui étaient venues au coin des yeux. Il se redressa brutalement, ses mâchoires serrées trahissait son état de nerf.

« Managarm. Je n’aurais pas pensé que vous auriez pu arriver ainsi. Quelle entrée, je vous félicite, je ne pense pas que j’aurais pu faire mieux. Mon pauvre Managarm, je loue votre sens des responsabilités. Vous êtes un peu, une sorte de super héros ici non ? Vous sauvez la veuve et l’orphelin ou quelque chose comme ça n’est ce pas ? J’ai aimé votre discours sur vos lois, vos mœurs. Mais il y a une petite chose que vous n’avez pas mentionné quelque chose d’important : vos préjugés. »
Celym marqua un temps d’arrêt. Un sourire sadique s’imprima sur les lèvres du jeune prêtre. Après tout cet homme n’était pas omniscient, bien que ce fut une des légendes qui couraient sur son compte, Celym savait qu’il pourrait le berner sans soucis.

« Ainsi, d’après ce que vous dites, j’ai procédé à une exécution gratuite. Pourtant, je n’ai agi que dans un état de légitime défense. Il a voulu me tuer, d’ailleurs tous ces témoins pourront le confirmer. Je l’ai tué oui. Je ne le regrette pas et au lieu de jeter sur moi, les flammes de la culpabilité vous devriez me remercier de vous avoir éviter le lourd poids d’un procès dont nous connaissons déjà la fin. Vous savez très bien qu’une fois mon rapport envoyé à Anuxum, cet homme aurait été automatiquement éliminé. »

Celym eut envie de dire qu’il pouvait aussi le remercier pour avoir enfin débarrasser d’une de ces vermines qui peuplaient son quartier mais s’en abstient. Il ne valait mieux pas froisser le Manargam de Sobek’Dan s’était bien connu.

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Aileen Sôma
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MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010 - 17:01

[ Bon bah en fait j'ai retrouvé le vieux début que j'avais tapé, et quand Celym a posté j'ai eu envie de squatter, alors me voilà. x) ]

Le fait de devoir attendre devenait lassant. Non, terriblement lassant. Attendre, toujours attendre. Attendre que les mondes se remettent de la mort de leurs gardiens. Attendre que ces foutus éléments daignent remettre les clés en jeu. Attendre que les portes se rouvrent pour aller chercher ceux qui composaient sa vie. Soma, par exemple, perdu quelque part dans ces mondes, ou bien Davon, coincé parmi les bâtards du monde de la Foudre. Il ne devait pas s'amuser tous les jours, son ami hérétique. A devoir se cacher perpétuellement, échapper aux prêtres et aux fidèles laquais de leur pseudo dieu Donar, ne pas mourir jusqu'à ce que les portes se rouvrent. Aileen, assise à la fenêtre du Château Noir, contemplait Yomi, plus bas, laissant ses pensées voler jusqu'à Davon Frodon, gardien mal aimé du monde de la Foudre. Ah, ce crétin lui manquait. Caressant la tête de son loup, qui s'était approché pour quémander des caresses, la Louve fixait d'un air vide un point situé entre les toitures des maisons en ruine de la ville de Yomi, du moins de ce ramassis de bidonville qu'on osait appeler ville, avec gloire, fierté et honneur. Yomi, la capitale déglinguée d'un monde des Ténèbres complètement à la ramasse, dirigé par une gardienne folle à lier, méfiante et solitaire, intouchable et silencieuse, qui restait cloîtrée au Château Noir en attendant que le sable quitte la roue et que l'engrenage se remette à tourner. La main posée sur la tête de son loup, elle ne faisait pas attention à ce qu'il se passait autour d'elle, ni même à Slade, qui la regardait de son air intelligent où brillait une étincelle d'interrogation. Il attendait juste que la gardienne partage avec lui, animal non parlant, ses peines et ses douleurs, et ce qui la tracassait actuellement. Ce qui la tracassait, c'était l'attente. La roue ne voulait pas tourner ? Qu'à cela ne tienne, Aileen ferait tourner la roue.

Elle se leva brusquement, et sa main effleura la tête du loup, qui la suivit du regard avant de la suivre dans le couloir. Sans faire attention aux serviteurs qui se courbaient brusquement sur son passage, la Louve quitta en hâte le Château Noir, sans avoir croisé Howl à qui elle avait laissé un jour de congé, qu'il devait certainement passer en ville, ou ailleurs probablement. Se désintéressant de la question, la gardienne se dirigea vers les bas-fonds de la ville, essayant de ne pas regarder tous ces gens qui la voyaient passer avec déférence et crainte. Slade, sur ses talons, ne semblait pas rassuré, et montrait les crocs à tous ceux qui s'approchaient un peu trop de son périmètre de sécurité. Après avoir tourné dans ces lieux, qu'elle connaissait pour y avoir longtemps vadrouillé en sa qualité de voleuse des rues, elle s'arrêta devant une porte en bois moisi, qu'elle poussa sans plus de cérémonies. A l'intérieur de la maison où elle venait d'entrer, il faisait incroyablement sombre et poussiéreux. Pas un brin de lumière, que ce soit une bougie ou un rayon du soleil pâle et morne de la ville, n'illuminait les lieux. A chaque pas qu'elle faisait s'élevait une couche de poussière qui faisait gronder le loup qui la suivait, et une odeur rance de déchets, de latrines et de bois moisi flottait comme un parfum d'ambiance. Charmant et distingué, mais surtout raffiné. Vraiment. Faisant fi de tout cela, la Louve s'approcha jusqu'à un comptoir composé de planches moisies, pourries, et de morceaux de caisses récupérées çà et là. Quand elle arriva à hauteur du pseudo comptoir, un homme vêtu de guenilles fit son apparition, par une porte jusque là inconnue tellement l'obscurité était maîtresse de ces lieux. En voyant qui était sa cliente, le rebouteux s'inclina bien bas, et pâlit en rencontrant les crocs de Slade, frustré d'être pile à la hauteur de la poussière soulevée par les pas d'Aileen. Puis il se redressa, pour fixer la gardienne à la dérobée, et lui parler de sa voix tremblotante de peur et de respect, comme s'il savait que s'il ne parlait pas, elle ne le ferait pas le premier pas non plus.

« Que puis-je pour notre honorable gardienne ? »
« J'ai entendu dire que vous faisiez de très bonnes potions. »
« Excellentes et très utiles, oui, Milady. Si l'une de mes potions vous intéresse, Milady, je vous la cède bien volontiers. »
« Est-il possible de changer l'apparence d'un animal ? »
« En quoi aimeriez-vous changer votre loup, Milady ? »
« En chien. Taille normale, passe-partout, mais suffisamment intimidant pour qu'on n'oublie pas sa présence. Un bâtard de préférence, couleur noir clair, aux yeux ambrés. »

Après une courbette, le rebouteux se tourna pour se hâter dans sa remise, farfouiller ses fioles et ses machins qui lui permettraient de répondre à la commande. Ayant bien conscience qu'il s'agissait d'une commande pour la gardienne, l'homme fut incroyablement rapide, et revint quelques minutes plus tard, avec un petit flacon où s'agitait un liquide verdâtre, pas des plus appétissants. Après avoir payé l’homme, la gardienne récupéra le flacon et reprit la direction du château, suivie de près par un Slade interrogatif, qui poussait des gémissements interrogatifs pour savoir pourquoi elle avait acheté un truc pas beau pour changer sa forme, tout en grognant comme un malade quand un maraudeur s’approchait trop de sa maîtresse. Il eut enfin sa réponse quand Aileen quitta le chemin du château pour monter vers la Porte des Ténèbres, par une route certes longue et périlleuse, mais ayant le mérite d’être inutilisée car abandonnée. Slade s’interrogeait, ne semblant toujours pas comprendre ce qu’elle comptait faire près de la porte. Pour Aileen, tout était clair ; elle allait traverser le monde de la foudre pour aller chercher Davon, et lui demander si tout allait bien, s’il survivait ou s’il vivait, s’il n’avait pas besoin d’aide ou de protection. Car bien sûr, elle était dans l’impossibilité de lui demander de le rejoindre dans le monde des Ténèbres, l’équilibre de l’arc-en-ciel en dépendant. En effet, les gardiens ne peuvent se déplacer qu’en équipe pour assurer la stabilité des mondes, mais tant que l’équipe n’est pas complète, chaque gardien doit rester dans son monde. Et si un gardien quitte trop longtemps son monde, ce dernier finit par flétrir comme une plante sans eau, pour finalement mourir en implosant bruyamment, tuant sur le coup les habitants dudit monde. Et ça, c’était très chiant, parce que si elle l’avait pu, Aileen aurait bien proposé à Davon de venir loger chez elle, histoire qu’elle le sache en sécurité, ce boulet de gardien. Arrivant près de la porte, la Louve se pencha vers son loup, qui commençait à reculer en grognant, les oreilles collées à la tête, pas content du tout. Ah, comment ? On souhaitait lui faire boire ce truc ? Ah, il faudrait l’y forcer ! Aileen réussit finalement son coup après un quart d’heure à courir après son loup, en arguant tout simplement à voix haute que tant pis, elle irait seule dans le monde de la Foudre. Entendant cela, le loup était revenu ventre à terre et avait ouvert la gueule en grognant. Allez, verse donc ton truc dégueulasse entre mes crocs, qu’on en parle plus. Et c’est avec un Slade métamorphosé en gros bâtard noir qui avait connu de meilleurs jours qu’Aileen pénétra dans le monde de la Foudre.

Bien sûr, en arrivant dans ce monde, Slade grognait beaucoup. Il venait de passer au stade de gros loup blanc aux yeux d’or et aux marques rouges sous les yeux qui en jette au stade de vieux clébard noir aux yeux noisette qui semblait avoir reçu toutes les pluies du monde sur son vieux pelage élimé. Il lui restait quand même ce petit quelque chose de loup, de prestance, qui faisait son orgueil. Ensuite, il ne fut absolument pas content du tout en apprenant qu’il fallait passer par un pont en pierre suspendu dans le vide pour entrer dans une ville également suspendue dans le vide, comme posée sur un nuage. Oh non, ça ne lui plaisait pas. Mais il aurait suivi sa maîtresse n’importe où. La maîtresse en question, d’ailleurs, était en train de sortir de sa besace une vieille veste marron et violette, vestige de son passé de gamine des rues. N’ayant pas vraiment grandi depuis sa nomination de gardienne, son manteau lui allait toujours aussi bien, et la faisait passer pour ce à quoi elle voulait ressembler, à savoir une mendiante à noble figure ayant connu de meilleurs jours. Elle ne se souciait pas trop de son apparence physique, après tout, personne, dans le monde de la Foudre, ne connaissait son visage. Personne, à part Davon, et c’était lui qu’elle venait chercher. Rabattant sa capuche sur son visage, elle posa la main sur la tête du vieux chien, remit sa besace et se mit en route vers la ville. Dans la capitale de l’archipel, personne ne fit attention à la mendiante qui passait, puisque cette dernière ne semblait pas lorgner les étals où étaient exposés les armes, la nourriture ou les bijoux, et où des pièces d’or changeaient de main. Ici, c’était chose connue, on ne s’intéressait aux gens que s’ils s’intéressaient à votre marchandise. Que ce soit en bien ou en mal. Traversant la ville sans se presser pour ne pas attirer l’attention, son regard tomba sur une pancarte qui était malhabilement collée contre un poteau de bois. Une discussion était organisée par un prêtre dans un quartier de la ville. Certainement le quartier le plus pauvre. Bon, et puis alors, rien à faire après tout. Haussant les épaules, la mendiante se remit en route, le vieux chien sur ses talons. Oh et puis finalement, pourquoi pas ? Peut-être que Davon se cachait dans les quartiers pauvres, parmi les hérétiques et les ennemis des prêtres. Elle, c’est ce qu’elle aurait fait. Trouver des contacts parmi les ennemis de ses ennemis. Se cacher parmi eux, se fondre dans la foule, comme un fantôme.

La gardienne prit donc la direction du quartier pauvre, se dirigeant aisément en reconnaissant le changement d’architecture, qui devenait plus vétuste, plus branlant. Plus misérable. En fait, le quartier pauvre de la ville ressemblait à Yomi, et cela lui déplaisait beaucoup. Brusquement, la Louve ressentit un élan de haine envers tous les peuples de l’arc en ciel, ceux qui s’étaient bien foutus de sa gueule et qui avaient laissé le monde des Ténèbres crever la gueule ouverte, au lieu d’aider ses habitants à sortir de la misère et de la corruption. Maintenant, ces mondes avaient perdu leurs gardiens, et la craignaient atrocement. Un sourire sadique fleurit sous la capuche marron, laissant passer un de ses crocs d’animal, sourire qu’elle réprima bien vite. Mieux valait ne pas se faire cataloguer comme une tueuse ou une malade mentale alors qu’elle bravait les dangers de ce monde pour retrouver un vieil ami. Ou deux vieux amis. Soma, après tout, il créchait bien dans le monde de la Foudre, non ? Il faudrait qu’elle en profite pour retrouver le Prince de la Lumière, son ami le plus lumineux, sans mauvais jeux de mots. Ayant imperceptiblement ralenti sa marche, la Louve se remit à marcher un peu plus vite, toujours suivie par un Slade qui regardait tout autour de lui en reniflant, rend très méfiant à cause des nouvelles odeurs qui ne lui plaisaient pas du tout. Quand elle arriva devant le bar où se déroulait la fameuse discussion, Aileen le sut bien vite, de par l’ambiance qui semblait régner en ce lieu. Poussant la porte, elle se retrouva face au tenancier, un homme entre deux âges qui la lorgna sans animosité.

« C’est pour l’aumône ? Je crains ne rien pouvoir te donner. »
« C’est pour consommer, et j’ai de quoi payer mon verre. »
« Change de bar. Il y a un de ces satanés prêtres, cette sale engeance tente de nous convertir. Si tu veux voir demain se lever, je te conseille de déguerpir et d’emporter ton cabot. »
« Un prêtre, hein ? Très intéressant. Rien que pour entendre ses conneries, je reste. Si les tissus de mensonges qu’ils débitaient se transformaient en or, le monde de la Foudre croulerait sous l’or. »
« Pas faux. Bah, entre va. Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenue, jolie donzelle. »

Haussant la tête, Aileen esquissa un sourire de remerciement avant d’entrer dans la pièce et s’asseoir à une table dans l’ombre de la porte avant de commander une bière. Si quelques regards s’étaient tournés vers elles, ils se détournèrent quand ils virent qu’elle n’était qu’une mendiante, accompagnée par un chien qui semblait vouloir la protéger comme on protègerait le plus beau des rubis. Assise dans l’ombre, Slade assis juste à sa gauche, chien invisible tant qu’on lui ordonnait, la gardienne des Ténèbres détailla l’assemblée présente. Le prêtre qui jacassait, un type aux cheveux blancs et aux yeux rouges qui semblait inquiet, une femme qui buvait son alcool sans bruit, un homme qui jouait avec un poignard … Et qui se leva brusquement en se présentant, en crachant sur les principes du prêtre, et en lui sautant dessus brusquement, ne faisant réagir que les personnes les plus proches, sous le regard inquisiteur des deux loups assis côte à côte. Triturant l’anse de sa chope de bière, Aileen regarda le dénommé Akanek mourir dans la plus grande des souffrances sous les mains du prêtre sans pitié. Quelque chose clochait. Pourquoi n’utilisait-il pas la foudre ? Ce fut la parole de l’homme aux cheveux blancs qui produisit le déclic. Le prêtre produisait la vie et la mort. Il était un pèlerin de la Lumière. Elle esquissa un petit sourire, invisible sous sa capuche, et attrapa l’anse de sa chope pour tremper ses lèvres dans le liquide mousseux, avant de le reposer aussi silencieusement qu’elle l’avait soulevé. Il ne fallait pas qu’elle parle. Pas avant qu’elle n’ait vu Davon. Elle savait qu’il viendrait, elle le sentait. Mais pourtant, le discours du prêtre était tellement ridicule ! Il lui faisait penser aux discours des prêtres d’Héla, les prêtres de la déesse de son monde. Héla dont elle ne suivait pas les préceptes, bien sûr. Alors ici, elle ne pouvait qu’admirer ceux qui refusaient de suivre les durs préceptes du monde de la Foudre, ce qui les excluait de la population, qui les rendaient aussi peu fréquentables que des pouilleux. La porte, à sa gauche, se rouvrit. Elle posa sa main sur la tête du chien noir pour lui demander de se pousser afin de laisser passer le nouvel arrivant.

Non, les nouveaux arrivants, car sur l’épaule de l’homme était posé un chat. Chat qu’elle connaissait bien. Esquissant un nouveau sourire, Aileen croisa le regard du félin et leva un doigt, avant de le replier. Bonjour, Davon. Elle hocha discrètement la tête en direction du chat, ne s’en désintéressant pas, même quand il descendit de l’épaule de l’inconnu pour aller se mettre sur ses genoux. Ah, mon pauvre Davon, à quelle extrémité en es-tu réduite ! Jouer le brave chat de compagnie pour ne pas te faire prendre ! Elle l’avait pile dans son angle de vue, en tournant le regard vers la droite. Oh que non, elle ne le perdrait pas de vue. Elle venait de le retrouver, et si quelque chose devait arriver, la gardienne sortirait d’ici avec son loup et le gardien de la Foudre, quelle que soit sa forme. Ca, elle se le jurait. Quand l’homme qui portait son ami prit la parole, Aileen sentit ce que les autres ressentaient. Le besoin de se taire pour écouter celui qui parlait. Il semblait être pourvu d’un sacré charisme, pour réussir à faire taire tout le monde, et surtout ce gros bâtard de prêtre, qui ressemblait à Davon, mais avec des cheveux noirs, et un dédain, une morgue dans ce regard, ce genre de lueur mauvaise qu’elle espérait ne jamais voir dans le regard du gardien de la foudre. C’était lui. Celym Frodon, l’homme qu’elle avait utilisé comme excuse pour faire déguerpir Davon. Normal qu’il ne l’ait pas cru, si son frère était un gros enfoiré au service d’une entité dont il ne pouvait prouver l’existence ! A la fin du très beau discours de l’homme, le prêtre éclata de rire, et pendant une minute ou deux, sembla secoué par des hoquets qu’il ne réussissait pas à calmer. Toujours immobile, Slade le regardait, interloqué. Il leva la tête vers sa maîtresse, qui lui renvoya un regard passif. Ne pas bouger, apprendre et écouter. Baissant légèrement une de ses oreilles, le gros chien tourna à nouveau son regard vers l’homme qui se calmait à peine, reprenant enfin la parole. Et quelle prise de parole ! Ne pouvant se retenir, la gardienne esquissa un petit sourire dédaigneux quant au discours du prêtre, laissant volontairement échapper un soupir tout aussi moqueur, s’attirant du même coup l’attention de tous. Appuyant son menton sur ses doigts repliés, la gardienne des Ténèbres posa son regard sur Celym Frodon. Avant d’attaquer à son tour.

« Que de belles paroles, monseigneur prêtre. Une âme sensible aurait pu s’y laisser berner. Mais voyons ! Nous autres, de la basse caste, nous nous étoufferions sous nos préjugés ? Dites-moi, jeune prêtre, comment la haute caste voit-elle le petit peuple ? Comme des moutons qu’il faut fédérer sous le même berger, ou comme des pigeons à plumer jusqu’au dernier ? Plus le temps passe, et plus la colère du bas peuple s’unifie contre une seule chose. L’organisation des prêtres ! Loin de moi l’idée de vous donner des conseils, de toute manière je doute qu’un jeune moinillon arrogant dans votre genre accepte de recevoir des conseils qui ne proviennent pas de la sacro-sainte bouche de votre entité toute-puissante … Mais si j’étais à votre place, je prendrai les bords de ma bure et je partirai en courant. Heureusement, je ne suis pas à votre place. De plus, je doute que les prêtres de Donar soient des amoureux du progrès, et les seules femmes qui travaillent au temple ne doivent pas le faire en qualité de prêtresse. »

Maniant à la perfection l’art du verbe, la gardienne fit une pause, avant d’attraper l’anse de sa chope de bière et finir le contenu mousseux cul sec, et reposer la chope avec un petit bruit. Pour ensuite poser la main sur la tête de son gros chien, qui n’avait pas bougé, aussi immobile qu’une statue de sel.

« Oui, en effet, il y aurait eu une belle assemblée pour témoigner que ce pauvre hère s’est jeté sur vous pour vous tuer, et que vous vous êtes défendu en l’immobilisant et en l’étouffant d’une manière fort peu conventionnelle pour un ressortissant du monde de la Foudre. Mais aurions-nous eu le choix de témoigner, le cas échéant ? Ou aurions-nous été si impitoyablement traqués par les caniches de Donar dans leur robe de bure, si l’un de nous avait soutenu que vous méritiez votre sort ? Ne parlez pas de confiance et de préjugés, vous qui ne voyez ici que des cafards et de la vermine à la place des êtres humains qui grouillent autour de vous. »

La gardienne se tut à nouveau sans cesser de fixer le prêtre. Ah, ce petit perroquet pensait posséder l’éloquence ? Seules les grandes âmes possèdent l’éloquence, pauvre fou, pas les pantins débiles d’un dieu inexistant car ne s’étant pas encore manifesté. Tiens d’ailleurs, et pourquoi la laïque et libre gardienne des Ténèbres ne poserait-elle pas une colle à ce jeune prêtre trop sûr de son succès ? Joignant à nouveau ses deux mains pour y poser son menton, la Louve esquissa un nouveau petit sourire de très mauvais augure, et s’avança imperceptiblement, tandis que Slade fixait l’assemblée de son regard intelligent, semblant attendre que l’un deux ait l’impudence de se lever et faire un pas vers sa maîtresse pour se jeter sur lui et l’abattre sans la moindre pitié. Mais autour d’elle, les gens la regardaient, tentant de percer le visage caché sous la capuche, murmurant plus ou moins fort que oui, la mendiante a raison. Elle les rassemblait autour d’elle. S’il voulait récupérer l’attention de la foule, le jeune Frodon allait devoir ruser, et pas qu’un peu. Nul n’est plus retors que l’esprit méfiant d’une Louve gardienne, après tout.

« Dites-moi, jeune prêtre, une question me trotte dans la tête, et après tout, qui mieux qu’un envoyé du dieu pour y répondre ? Alors voilà, vous arguez sans cesse, vous autres prêtres, que Donar est partout, qu’il peut tout. Mais comment savez-vous tout cela ? L’esprit d’un moine serait-il éminemment supérieur ? Donar aurait-il envoyé un signe ? Nous autres, vermines de la basse caste, sommes des personnes bien trop rationnelles pour croire qu’une entité nous protège. Prouvez-moi, prouvez-nous, que cette entité existe vraiment, par des mots concrets et réalistes, sans nous parler de Paradis, de rédemption, d’amour. Prouvez-nous que Donar existe, pour que tous les mondes cessent de nous considérer comme des malades et se convertissent à leur tour. Alors, petit moine, chiche de relever le défi ? »

3512 mots arrondis à 3500.
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Celym Frodon
Pèlerin sans Monde

Celym Frodon




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Prenons le thé avec Donar (libre) _
MessageSujet: Re: Prenons le thé avec Donar (libre)   Prenons le thé avec Donar (libre) Icon_minitimeMer 12 Jan 2011 - 18:50

Celym se retourna vivement vers la jeune femme qui avait pris la parole. Elle crachait son venin avec une telle violence que Celym ne put réprimer un haussement de sourcils réprobateurs. Avec les dernières paroles de la jeune fille encpuchonnée, Celym se leva. D’un regard froid il parcourut l’assistance.

« Puisque que cela est votre désir, je vous montrerais ce qu’est réellement la puissance de Donar. »

C’est alors que Celym prit une posture inspriée, les mains tournées vers le ciel, les yeux révulsés. Dans un ton monochorde il prononça lentement et hautement :

« Donar puisses tu en cet instant détruire d’un éclair Sobek’Dan et dixit la jeune fille, éliminer la caste faible d’un bras vengeur »

A ces paroles, certains des protagonistes devinrent blèmes de peur, d’autres comprenant qu’on se moquait d’eux rougirent de colère.

Celym fixa son regard sur la mendiante et avec un sourire presque joyeux s’exclama :

« Je crois bien que vous êtes là depuis le début mais avez vous seulement écouter une de mes paroles? Ai je déjà dit que j’étais un prestidigitateur ? Ai je dit que je pouvais une preuve irréfutable de la puissance de notre Dieu ?

Pauvre chose que vous êtes, je vois bien que je vous jugez sans même essayer de comprendre et je crois bien que c’est une bien vilaîne tare. Sous vos belles tournures de phrases vous n’êtes qu’un puit sans fond.

Puisque c’est ainsi, jouons cartes sur table. Je prie à tout le monde de fermer votre sale bouche de mécréant ridicule et de m’écouter quelques minutes. Vous pourrez parler ensuite, après tout si je suis ici c’est que vos avis m’intéressent et qu’ils pourraient peut être, eux, me convertir.

Commençons par Donar, car c’est le sujet d’aujourd’hui et il serait ridicule de ne pas m’expliquer sur ce sujet. Qui est Donar ? Que fait Donar ? Où est Donar ? Belles questions je dois dire auxquelles malheureusement je n’ai aucune réponse. Apparemment certains d’entre vous se limitent à ce que peuvent voir leur yeux débiles d’humain sans importance.
Puisque c’est ainsi, je vais prendre un exemple qui vous révélera peut être quelque chose. Le pain que vous manger est composé de milliards de molécules. Pourtant vous ne les voyez, quand vous portez ce pain à votre bouche, de nombreuses réactions se mettent en marche pour que vous puissez l’absorber, le digérer, le décontaminer.
Vous ne sentez pas ces choses n’est ce pas ? Et pourtant, vous savez quelles existent, vous ne remettrez jamais en question le fait que ce pain est composé de sucres ? La plupart d’entre vous n’a certainement jamais demandé à un scientifique de pouvoir mettre un œil dans un microscope et de s’écrier « Euréka, je me rends compte à présent que le glycogène est formé de n glucoses !!! Youpi, je doutais jusqu’à présent. »
Je n’ai pas la preuve dans mes mains que Donar existe. Nous n’avons pas en notre possession de microscope assez puissant mais je vous le dis à tous. Pourquoi pas ? Comme le génotype induit un phénotype, pourquoi Donar n’induirait pas la vie ? »


Celym marqua un petit temps d’arrêt, la plupart des mines semblaient encore réfractaires, le nez plongé dans leur verre ou tasse. Le jeune prêtre soupira, on traîtait ses frères de personnages bornés repliés sur eux mais ils voyaient à présents que peu de gens réunis autour de cette table ne voulaient tendre l’oreille pour écouter. Le jeune prêtre, découragé continua à répondre à la mendiante. Il parlait dans le vent.

« Notre société est basée depuis quelques générations déjà sur le culte de Donar. Il est logique que les prêtres soit la classe régnante. N’oublions pas que ce sont mes prédécesseurs qui nous ont libérés du joug de l’oppresseur : le peuple de l’air.
Notre ville est régie par des codes stricts et précis. S’ils étaient révolus, nous serions dans le chaos le plus total.
Imaginons un instant que, vous, rebelles au sang chaud et durs, soyez demain les maîtres d’une nouvelle archipel de la foudre ? Manargam en serait à la tête je présume. Pensez vous qu’il instaurait une république où tout le monde serait sur le même pied d’égalité, où Sobek’Dan serait anéanti ? Nous aurions seulement un retournement de situation. Les croyants et les anciens, s’ils ne sont pas d’abord exécutés, seront parqués dans ces cages à poules comme vous l’êtes. Au final, qu’est ce qui changerait par rapport à aujourd’hui ? Donar ne sera plus vénéré mais à la place vous aurez Manargam et sa clique. Bon compromis j’avoue.
J’aimerai ajouter que vous êtes une minorité à vouloir que le régime change. Mademoiselle, vous prônez le fait que nous avons à faire à une recrue d’essence de la rebellion. Je voulais juste vous sachiez, que ces gens au cœur vaillant n’hésite pas à tirer partie de notre système.
Je me tourne à nouveau vers vous Manargam. Que seriez vous sans les prêtres au pouvoir ? J’avoue que vous êtes un marchand hors pair mais sans la pression de la forte classe seriez là où vous en êtes aujourd’hui? Je vous pose la question sincèrement et j’aimerai avoir une réponse sincère de votre part.
Qui serais je si je n’étais pas prêtre ? Simplement, un fils de noble courant dans ses champs, main dans la main avec son frère qu’il ne pourrait jamais quitter.

Qui gagne, qui perd ? Qui pourra jamais le savoir ? Contentons nous de ce qu’on nous offre. Pour les étrangers, je ne doute pas que votre calvaire se terminera bientôt et que vous pourrez bientôt rentrer chez vous. Pour mes compatriotes qui ne croient pas en Donar, continuez votre lutte si c’est le sens de votre vie.»


Celym se rassit. L’image de sa mère lui était revenu comme un coup de poignard dans le ventre. Elle était si belle, ses cheveux blonds voletaient doucement autour de son visage d’ange. Il lui semblait qu’il pouvait sentir son odeur, celle de la sève d’olivier. Il frissona, totalement déconnecté de la réalité. Il fallait qu’il se ressaisisse.

Justement l’image de cette femme et les paroles de la mendiante lui revinrent bruptalement, c’était l’électrochoc qui lui était nécessaire pour revenir à lui.

« Chère demoiselle, vous avez aussi parler du progrès et de la parité permettez moi de vous contredire à nouveau. Bien que vous cachiez votre visage sous cette cape miteuse je peux deviner que vous n’êtes pas d’ici. Et je pourrais même préciser que vous ne venez pas d’une des contrées les plus glorieuses et avancées de notre univers. Ainsi, je me demande bien comment vous pouvez juger de nos prouesses scientifiques et technologiques.
Le fanatisme n’est pas toujours l’ennemi du progrès.
Nos chercheurs ne possèdent peut être pas les meilleurs moyens du monde mais ils font avec ce qu’ils peuvent. Je suis d’ailleurs le chef d’un projet conséquent « le savoir est le pouvoir » qui nous permettrait d’inciter nos jeunes, hommes et femmes, les plus doués à se tourner vers une carrière dans la recherche, fondamentale, experimentale dans n’importe quel domaine que ce soit.

Que savez vous de nous ? Croyez vous que vous pouvez arriver comme cela ? Je suis sûre que vous pâtissez des préjugés qui courent à l’égard de votre monde alors essayez d’avoir votre propre esprit critique sur le notre. "



Avait on parlé, certains des regards étaient tournés vers lui mais d’autres se complaisaient dans la vision de leur tasse vide.

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